Le pouvoir n’est pas une faculté ou une puissance que l’on pourrait ou non posséder ; c’est le nom donné à une relation asymétrique qui unit deux personnes dont la première peut imposer sa volonté à la seconde.

Le pouvoir du ministre réside dans le fait qu’il nomme et révoque certains fonctionnaires ; le pouvoir du colonel réside dans le fait qu’il peut sanctionner ou récompenser ses subordonnés, alors que l’inverse est impossible. En clair, le pouvoir s’exerce entre des individus ou des groupes qui occupent des positions inégales sur l’échiquier social, ou qui disposent de ressources inégales.

Mais dans la mesure où le pouvoir est relation, il n’appartient intrinsèquement à personne. Dès qu’il quitte le gouvernement, le ministre redevient un simple citoyen. Et le pouvoir du colonel s’arrête aux frontières de la caserne. Chez lui, c’est peut-être sa femme qui commande !

Omniprésence du pouvoir

Michel Foucault (1926-1984) récuse l’idée selon laquelle il n’existerait qu’un seul pouvoir – l’autorité politique, le pouvoir d’État – qui diffuserait à partir du sommet dans tous les échelons de la hiérarchie.

Plutôt que du pouvoir, il conviendrait de parler de « micro pouvoirs », formes de pouvoir plus localisées qui s’exercent au sein des écoles, des usines, des prisons, de l’armée, et jusque dans les familles. Or, cette « machinerie » de micro dispositifs destinés à contrôler les individus est devenue invisible, tant elle est omniprésente. « Omniprésence du pouvoir : non point parce qu’il aurait le privilège de tout regrouper sous son invincible unité, mais parce qu’il se produit à chaque instant, en tout point, ou plutôt dans toute relation d’un point à un autre », écrit Foucault dans La Volonté de savoir (1976).