Le fil conducteur selon lequel la croyance en un Dieu puissant est le fondement d’une société bien organisée est encore présent dans la pensée dominante. En revanche, la barbarie est communément associée à l’absence de religion. Pourtant, plusieurs recherches viennent contester cette conception conventionnelle. En effet, une équipe d’anthropologues, à l’issue d’une longue recherche de plusieurs années, est parvenu à la conclusion que la croyance en des divinités suprêmes a souvent émergé longtemps après que les sociétés se soient dotées d’une organisation complexe. Ces spécialistes de l’histoire des civilisations humaines ont examiné 96 anciennes organisations culturelles austronésiennes qui n’avaient pas eu de contact avec les religions abrahamiques comme le christianisme et l’islam.

Les esprits

Le Dr Joseph Watts, spécialiste de l’évolution des cultures, a déclaré: «Les résultats de nos recherches sur les communautés reculées dans l’histoire et bien structuré politiquement  mettent en doute l’idée répandue selon laquelle ce sont les dieux moralisateurs qui ont facilité l’émergence de la civilisation. Tous les cas que nous avons étudiés ont montré que la Civilisation précède la Foi. »

Les chercheurs ont constaté que la croyance en des systèmes de crainte ou de punition surnaturelle – tels que des esprits vengeurs – avaient tendance à précéder l’émergence des sociétés et civilisations complexes, surtout dans des îles. Ces communautés anthropomorphistes avaient tendance à adorer les esprits de leurs ancêtres.

Les chercheurs ont constaté que 37 des cultures échantillonnées avaient des croyances de ce type alors que seulement six croyaient en une divinité suprême. Ceux qui croyaient en un seul Dieu tout-puissant étaient généralement regroupés en Asie du Sud. A cet égard on peut citer les cultures Bontok et Tagbanwa dans les Philippines, le peuple Batak Toba de Sumatra-Nord et les tribus Manggarai de Flores en Indonésie. Les noms de leurs dieux étaient respectivement Lumawig, Mangindusa, Mulajadi na Bolon et Mori Karaeng.

Le pouvoir

Mark Pagel, biologiste évolutionniste à l’Université de Reading, pense, lui, que la clé de la civilisation réside dans la langue et non dans la religion. Selon lui, les sociétés sont devenues plus complexes grâce à l’émergence des réseaux du commerce, en particulier, et des échanges entre les peuples, en général. La croyance en Dieu n’a pas été fondamentale pour la civilisation. La foi a été un outil qui a permis à ceux qui détenaient le pouvoir de consolider leur emprise sur la société.

«Dès qu’une société génère beaucoup de biens et services, cette richesse peut être mise à profit par celui qui détient les rênes du pouvoir. La façon la plus simple d’y arriver est d’imposer une croyance dans une divinité suprême. Puis, il dressera lui-même une liste de choses que ses concitoyens doivent faire ou ne pas faire. Cette liste, c’est ce qu’on appelle « la morale », puisqu’elle induit notre comportement social », a-t-il dit.

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