Ornette Coleman, qui avait un peu joué dans quelque clubs de jazz en Californie, mais qui gagnait sa vie comme opérateur d’ascenseur, semblait surgir de nulle part, complètement inattendu, pour créer une musique qui ne ressemblait à rien d’autre, une musique inconnue, improbable et informelle.

17th November 1959: Ornette Coleman plays the saxophone and Don Cherry (1936-1995) plays the trumpet at the 5 Spot Cafe, New York City. Bob Parent/Hulton Archive/Getty Images

Il est impossible aujourd’hui  de ressentir le choc que les auditeurs ont dû ressentir lorsqu’ils ont entendu pour la première fois  « Something Else !!!! » et la demi-douzaine d’autres albums que Coleman a réalisés pour « Contemporary Record », puis pour « Atlantic » entre 1959 et 1961. Ces enregistrements sonores ont clairement accompli leur mission de manifeste collectif. Avec des titres comme «The Shape of Jazz to Come» (le futur style du jazz) et «Change of the Century» (le changement du siècle), quoi qu’il ait pu penser des noms de lettres des notes de musique, Coleman a compris la valeur d’un bon titre accrocheur.

L’esthétique musicale

Ornette Coleman a donné la priorité à l’intuition et à la spontanéité par rapport à la structure harmonique et formelle de la composition. Les auteurs de jazz et les maisons de disques ont qualifié sa musique de «nouvelle chose» ou de «free jazz». (Coleman lui-même ne serait mentionné que par son prénom, à la manière de «Miles» ou «Dizzy», un insigne de la citoyenneté du monde du jazz.). Mais cette musique n’était pas entièrement nouvelle, ni aussi libre qu’elle paraissait. Comme le souligne Maria Golia, le blues a été, pour Ornette Coleman, une source d’inspiration aussi grande que la musique d’église.