Non seulement musicalement, mais dans la forme et le sens, un vaste clin d’œil cosmique imprègne toute l’œuvre de Thelonious Monk. On ne savait jamais s’il était fou, ou s’il traînait à la marge. Ah cette paresse caractéristique du monde « Black »!

« To Be Or not to Bop »*

Si vous voulez comprendre Monk à la traîne, vous devrez comprendre que le « be-bop », le mouvement dans lequel il baignait, pêchait à la traîne. Cette oscillation flamboyante avait refroidi l’enthousiasme d’une série de grands orchestres devenus soudain fades. Avec les « Bopeurs » la musique devint simple, cérébrale et facile à comprendre.

Glenn Miller et Tommy Dorsey avaient pignon sur rue, en grande partie, parce qu’ils étaient blancs. Même Duke Ellington et Count Basie ont acquis une renommée en dehors des communautés minoritaires, précisément parce qu’ils ont reçu la « bénédiction » de l’établissement, les propriétaires des moyens matériels de production, notamment Aaron Copland, George Gershwin; ils ont dû prouver qu’ils pouvaient parler la langue de la musique blanche afin d’être pris au sérieux.

Les pionniers du Be-bop -Thelonious Monk, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Milt Hinton, Kenny Clarke, Bud Powell, Max Roach, entre autres- ont commencé à se rebeller contre cette idée de «convivialité» dans la musique, peut-être inconsciemment au début, mais ensuite avec un objectif massif et bien précis.

Ils voulaient jouer de la musique qui exprime la réalité de leur vie quotidienne : complexe, alcoolique, colérique, tragi-comique et émotionnellement excessive.