Mistorioso*
Pour le meilleur ou le pire, le personnage public de Monk était d’une extrême impénétrabilité, presque mystique. Il était « sauvagement » introspectif, capable de concentration extrême, souvent loin des subtilités sociales, des amabilités et conversations mondaines. Il marmonnait pendant qu’il jouait et était parfois submergé par le désir d’écrire des compostions, jusqu’à la stimulation de travailler littéralement pendant des jours sans arrêt.

Mais parfois, il était impossible pour lui de sortir du lit. Il devenait notoirement taciturne. Quand il daignait parler aux journalistes il évitait de répondre  à des questions évidentes.

Venant d’un homme dont l’œuvre a défini la musique moderne pour les générations, un tel comportement a été jugé « sauvagement paradoxal » par l’établissement.
Pourtant, tout sur la vie et le travail de Monk suggère un personnage inconditionnel, spirituellement engagé et attaché au monde extérieur. Même dans ses jours les plus sombres, Monk n’a jamais quitté la maison sans se mettre dans un costume bien repassé et cravate accessoirisé, coiffé de chapeaux parfois drôles mais toujours bien assortis.

Malgré les vrais faux messages véhiculés par les magazines, les films et les bandes dessinées, Monk a acquis une stature authentique habitée par une créativité incessante. Cela se manifeste dans ses compositions excentriques, parfois « hypnotisantes ». Ses premiers morceaux comme « Well You Need not», avec son appel de questions-réponses spastiques posées sur un lit de chromatisme à haute et basse tonalité; « In Walked Bud, » un hommage rauque à son meilleur ami et mentor Bud Powell; et la norme Monk, « Round Midnight », qui a réussi à façonner la dissonance délibérée en une sorte de bonheur éthéré lentement exubérant, se démarquant comme une œuvre bien en avance sur son temps.