Des individus, se faisant passer pour des agents de football, ciblent de jeunes joueurs et les attirent à l’étranger avec de fausses promesses de jouer dans les meilleurs clubs de football européens. Ces jeunes garçons laissent derrière eux amis et familles et dépensent des sommes importantes en visas, passeports et billets d’avion pour réaliser leurs rêves.
En réalité, il n’y a souvent pas de clubs qui attendent ces pauvres enfants qui, abandonné à leur arrivée, sont soumis à l’esclavage, au trafic de drogue – certains finissent même par être victimes d’exploitation sexuelle.
C’est du trafic d’êtres humains, qu’on le veuille ou non. Et cela se produit de façon officielle lorsqu’un agent recrute un joueur dans un club mais contrôle sa mobilité et gagne de l’argent grâce à un contrat d’exclusivité sur sa personne. C’est par le biais de ces contrats que les agents détournent une grande partie des gains des joueurs.
La chasse
La majorité des victimes de ce nouveau trafic viennent d’Afrique et d’Amérique du Sud. Plusieurs études universitaires ont constaté que plusieurs clubs de l’UE (souvent par l’intermédiaire d’agents peu scrupuleux) trafiquaient et employaient des mineurs africains, leur payant un salaire dérisoire.
Les enfants mineurs en provenances de l’Afrique sont particulièrement exposés en raison de leur vulnérabilité accrue due au manque d’emplois au pays et leurs espoirs démesurés de réussir financièrement grâce au football.
Les joueurs africains sont très demandés en raison de leur « capacité génétique supérieure, leur empreinte environnementale et leur mentalité », selon un scientifique sportif. Malheureusement, le paysage du football offre une protection limitée contre leur exploitation continue.

En 2009, une étude de la Commission européenne décrivait comment l’utilisation accrue des marchés des transferts africains et sud-américains avait créé une sorte de «commerce des esclaves des temps modernes». Cela est dû aux stratégies de recrutement utilisées par les clubs européens qui ont permis à des « agents » peu scrupuleux d’exploiter de manière répétée des footballeurs, comme ils l’ont toujours fait, même pendant la Coupe du monde de football 2018.
La cause
Cette situation dégradante s’est développée à la suite de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes dans une affaire judiciaire de 1995. L’affaire a abouti à de nouvelles règles du football qui ont supprimé le paiement des frais de transfert pour les ressortissants de l’UE jouant dans l’UE et transféré dans une autre équipe de l’UE à l’expiration de leur contrat de travail. L’arrêt « Bosman » a enterré les réglementations précédentes parce qu’elles étaient trop restrictives pour les droits de libre circulation des citoyens de l’UE.
Pour plusieurs clubs de l’UE, ce changement a entraîné une perte de revenus provenant des frais de transfert qu’ils percevaient auparavant pour les joueurs hors contrat, qui sont désormais autorisés à passer librement dans d’autres clubs de l’UE.
Les clubs ont alors commencé à considérer le marché des transferts comme le meilleur moyen de récupérer leurs investissements sur les joueurs. Surtout s’ils pouvaient acheter des joueurs à un tarif réduit et les vendre à profit, avant l’expiration du contrat de ce joueur.
Les règles modifiées ont contribué à l’augmentation des frais de transfert pour les joueurs encore sous contrat. Cette augmentation signifiait que les clubs de l’UE avaient deux options pour réaliser des bénéfices à long terme : soit mettre en place un programme de formation afin de former des joueurs talentueux qui rejoindraient leur première équipe, soit recruter de nouveaux talents de clubs situés en dehors de l’UE et disposant de ressources économiques insignifiant. La plupart de clubs de football européen ont choisi la deuxième option.
La discrimination
Un autre problème dans tout cela est la poursuite de l’exploitation causée par une lacune dans la réglementation. Lorsqu’un club transfère un mineur de l’UE, il est soumis à des obligations réglementaires supplémentaires concernant l’éducation, les dispositions académiques et le niveau de vie. Ces règles sont conformes au Règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs.
La réglementation sur le statut des joueurs est censée créent une prise de conscience qui empêche leur exploitation éventuelle. C’est en quelque sorte un «plan b» qui offre une carrière alternative au mineur au cas où ils venaient à échouer en tant que footballeur professionnel. Malheureusement, les règlements de la FIFA n’imposent pas d’obligations similaires aux clubs, en ce qui concerne le transfert d’un mineur africain ou étranger en Europe.
Cette lacune réglementaire permet aux clubs et aux agents peu scrupuleux de traiter des mineurs africains sans se soucier à long terme de leur bien-être ou de les protéger contre des situations dangereuses d’exploitation dans un pays étranger.
La solution
Les clubs européens sont complices du trafic moderne d’esclavage, parce qu’ils ne questionnent pas l’origine d’un joueur qui vient à l’essai, ni ne sondent la relation entre le joueur et son agent.
Le législateur européen permet aux clubs d’omettre de considérer leurs joueurs comme faisant partie de leur chaîne d’approvisionnement, tout en restant conformes à la loi. Aucune disposition n’imposent aux clubs de prendre des mesures pour empêcher le recrutement de joueurs potentiellement victimes de la traite ou victimes de travail forcé.
De nouvelles mesures devraient notamment viser à améliorer le niveau des ligues africaines – en rendant les joueurs moins sensibles aux stratagèmes d’agents peu scrupuleux. Il faut aussi mettre en place de meilleures garanties pour les mineurs en dehors de l’UE. Ces deux approches aideront le football à être utilisé comme un outil de développement des communautés africaines – et inhiberaient les voies de recours fréquemment utilisées par des agents peu scrupuleux.
Notis©2019
Par Sidney Usher