Le risque de mourir d’une opération chirurgicale réalisée en Afrique est plus de deux fois supérieur à la moyenne mondiale, ont indiqué des chercheurs dans une étude mettant en lumière l’un des problèmes de santé les plus importants mais les moins étudiés sur ce continent.
En théorie, les patients qui subissent ces genres d’opération en Afrique ont un profil de risque plus faible qu’ailleurs, car ils sont généralement plus jeunes et subissent une chirurgie mineure plutôt que majeure.
Mais, ces mêmes chercheurs ont également découvert que près d’une personne sur cinq personnes opérées en Afrique développe des complications post-chirurgicales. En cas de la chirurgie non urgente – des opérations prévues à l’avance et n’impliquant pas d’urgence médicale – le taux de mortalité serait de 1,0%, contre 0,5% qui est la moyenne mondiale.
Etude approfondie
L’article, publié dans le journal médical The Lancet, est décrit comme l’enquête la plus aboutie sur la chirurgie en Afrique. L’étude approfondie a mobilisé plus de 30 chercheurs qui ont analysé les données produites par 247 hôpitaux implantés dans 25 pays. Les chercheurs ont épluché les résultats de 10 885 interventions chirurgicales subies par des patients hospitalisés, dont un tiers ont fait l’objet d’une césarienne.
Le réseau de données a fourni également des détails sur les complications, le nombre de lits, les salles d’opération et le profil du personnel chirurgical. Il s’agit donc d’informations vitales et détaillées sur l’état actuel des infrastructures hospitalières sur le continent Africain.
Plus de quatre patients sur cinq pourraient être considérés comme des candidats à faible risque, car ils sont physiquement « résistants » et jeunes, avec un âge moyen de 38,5 ans. Mais des complications, impliquant principalement une infection, sont survenues chez 18,2% des patients. Près d’un patient sur 10 (9,5%) souffrant de complications est décédé.
Le professeur Bruce Biccard, qui exerce à l’hôpital Groote Schuur de Cape Town, en Afrique du Sud, a pointé du doigt la phase post-opératoire, pendant laquelle 95% des décès du fait de la chirurgie ont eu lieu.
Beaucoup de ces décès auraient pu être évités, a-t-il insisté : «De nombreuses vies pourraient être sauvées grâce, d’une part, à un suivi efficace des patients qui ont développé des complications et, d’autre part, à l’augmentation des ressources nécessaires pour atteindre cet objectif ».
« Les résultats chirurgicaux resteront médiocres en Afrique tant que le problème du sous-financement ne sera pas résolu », a déclaré M. Biccard.
Tueur silencieux
D’autres experts ont déclaré qu’ils étaient encore plus alarmés par d’autres chiffres contenus dans l’étude, qui montre le besoin criant de chirurgie de l’Afrique.
En moyenne, seulement 212 opérations ont été effectuées par 100 000 personnes, en 2017. « Ces chiffres sont 20 fois plus bas que le volume chirurgical crucial requis pour répondre aux besoins chirurgicaux essentiels d’un pays chaque année », ont coécrit, en guise de commentaire, Anna Dare de l’Université de Toronto, Bisola Onajin-Obembe de l’Université de Port Harcourt au Nigeria et Emmanuel Makasa de l’Université de Witwatersrand, en Afrique du Sud.
En Afrique, il y aurait en moyenne 0,7 chirurgien spécialiste – chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes – pour 100 000 patients. Cela aussi est loin, très loin, des niveaux minimaux recommandés de 20 à 40 spécialistes pour 100 000 patients.