Les vêtements vendus dans les pays riches -principalement en Amérique du Nord et en Europe- proviennent d’un peu partout dans le monde. Et surtout du Bangladesh, deuxième exportateur mondial du textile. Après l’accident survenu le 24 avril 2014 à Rana Plaza, en banlieue de la capitale du Bangladesh, qui a fait officiellement 1 135 morts et des milliers de blessés, force est de constater que la fast-fashion – c’est-à-dire, la mode bas ou moyen de gamme, renouvelée très rapidement en boutique – est loin d’être passée de mode.

Le prix de l’esclavage

Les prix et la rapidité à traduire, dans les rayons, les micro-tendances de la planète mode sont les deux clés du succès de la fast-fashion. Avec ses usines qui tremblent sur leur base et les bas coûts des produits qui en sortent, le Bangladesh s’est imposé comme le second exportateur du textile dans le monde, derrière la Chine, mais devant l’Inde voisine. Selon les chiffres officiels, le textile occupe plus de 4 millions de personnes dans ce pays de 150 millions d’habitants. A 38 dollars (18 000 francs CFA) par mois pour le salaire minimum, les salaires des ouvriers restent indécents.

Les ouvriers qui acceptent ces conditions de travail et ces salaires ne le font que pour une seule raison : les alternatives sont pires encore. L’agriculture, qui occupe toujours près des deux tiers de la population, ne dégage que 18 % du PIB. La pauvreté cause aussi chaque année 125 000 morts par surmortalité infantile chez les moins de 5 ans, soit l’équivalent de plus de deux Rana Plaza par semaine.

La réalité du terrain

Depuis longtemps, « Clean Clothes » (www.cleanclothes.org), une alliance de syndicats du textile et d’ONG internationales, a tiré la sonnette d’alarme sur les conditions de travail au Bangladesh bien avant l’effondrement, en 2005, de l’usine Spectrum qui a fait 64 morts. Sept ans plus tard, l’usine Tazreen s’enflammait, tuant 112 personnes. Ces drames sont passés inaperçu en occident, tout comme les deux ou trois incendies hebdomadaires qui ont lieu dans les usines à travers le pays. Il aura donc fallu le drame du Rana Plaza et ses centaines de morts, de blessés et d’orphelins pour que les marques européennes et américaines se décident à se préoccuper du sort des ouvriers du textile.

La dignité

Loblaw (Joe Fresh) comme la britannique Primark ont promis d’indemniser les victimes du Rana Plaza, en plus de s’investir aux côtés de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour la mise en place de l’Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh. Dans ce même élan de mauvaise conscience, plusieurs grands noms de la mode occidental ont signé un engagement juridiquement contraignant en vue d’assurer un contrôle indépendant de la sécurité et des conditions de travail chez leurs ¬sous-traitants. Mais, pour contourner cette convention et satisfaire le constant renouvellement de la mode dans les magasins, les sous-traitants sont tentés de sous-traiter eux-mêmes.

Du reste, rien n’a changé et tout restera en l’état pendant longtemps au Bangladesh, en particulier, et dans les pays du tiers monde, en général : les allures infernales se poursuivent, les usines de fabrication sont bien loin de respecter les normes de sécurité et la dignité de ceux qui y travaillent.

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