Le sport automobile connaît une forte croissance. Mais à quel prix ?
Derrière le nouveau regain d’excitation autour du sport mécanique, particulièrement la Formule Un, se cache un impact troublant sur l’environnement. Combien de temps faudra-t-il encore à ce sport hautement polluant pour justifier tout ce dégât infligé à la planète ?

Le service de messagerie international DHL, un sponsor majeur de la F1, a révélé que pour la saison 2021, il a fallu parcourir jusqu’à 120 000 kilomètres (74 600 miles) pour livrer des voitures, des équipes, des équipements de diffusion et d’accueil, ainsi que du carburant et des pneus. C’est l’équivalent de trois voyages autour du monde.
Ce rapport a été publié quelques jours à peine après que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’exprimant lors de la COP26 à Glasgow, ait confirmé le fait que l’existence même du monde, tel que nous le connaissons et sur lequel nous vivons, est menacée par la « dépendance de l’humanité aux combustibles fossiles ».
Au vu de ce constat inquiétant, l’idée de transporter des équipes de personnes vers 21 pays autorisant 22 voitures de 1 000 chevaux à rouler sur un circuit pendant une heure et demie semble aller au-delà de l’irresponsabilité.
Les grands projets
Devant les critiques fondées, les organisateurs de la F1 ont dévoilé leur stratégie climatique. Ce grand projet de lutte contre le climat consiste, notamment, dans :
* la construction d’un nouveau moteur qui vise à être alimenté à 100 % de manière durable et neutre en carbone d’ici 2030 ;
* des incitations à des voyages plus écologiques;
* l’utilisation des matériaux plus durables ;
* la mise en placer d’une logistique ultra-efficace ;
* et des installations d’usines alimentées à 100 % par des énergies renouvelables.
Tout cela semble prometteur, pour ne pas dire surréaliste. Cependant, compte tenu de l’histoire du sport en matière de développement des technologies, qui ont aidé la progression de la sécurité des véhicules, peut-être que la F1 mériterait le bénéfice du doute.
Malgré tous les discours sur la logistique ultra-efficace, le plus gros contributeur aux émissions de dioxyde de carbone du sport mécanique, en particulier, et du transport, en générale, reste une préoccupation majeure.
Un rapport sur le développement durable a révélé que 45 % des émissions de CO2 de la saison 2018, soit environ 256 551 (deux cent cinquante six mille cinq cent cinquante un) tonnes, provenaient du transport de l’équipement des participants. En utilisant les données fournies par l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement, cela correspond effectivement à une émission de 256 551 tonnes de CO2. C’est l’équivalent, en gaz à effet de serre, de 55 795 (cinquante cinq mille sept cent quatre vingt quinze) véhicules de tourisme conduits pendant un an.

Devant ce tableau très carbonique et peu reluisant, les représentants de l’organisation ont déclaré que depuis le lancement de sa stratégie climatique, elle a fait « de grands progrès dans la réduction du volume d’équipements que nous envoyons aux courses ». Ainsi, par exemple, le nombre de personnel itinérant envoyé aux courses aurait été réduit de 36 % et le fret envoyé aux courses aurait été réduit de 34 %. Cette « condensation » aurait permis d’économiser 70 tonnes de fret à chaque événement, ce qui, au cours d’une saison de 17 courses, équivaudrait à 1 190 tonnes de fret non expédiées.
La Formule 1 a également soutenu qu’elle investissait dans des plans de modernisation de ses conteneurs maritimes, ce qui lui aurait permis de passer d’une flotte de 777 avions à des 747 plus économes en carburant. Cette décision offrirait également plus de flexibilité dans le choix de modes de transport à faible impact tels que le fret ferroviaire, routier et maritime.
L’organisation (FIA) a aussi dévoilé sont plan de plantation d’arbres pour compenser les émissions.
Ceci promis et dit, toutes ces étapes et intentions positives sont-elles suffisantes pour limier la casse infligée à « Notre Maison Commune » ?
Les jeux pervers
Un sport dont les partenaires mondiaux, notamment, Saudi Aramco, le plus grand producteur de pétrole au monde, et Emirates, la plus grande compagnie aérienne du Moyen-Orient, peut-il faire mieux ou plus pour protéger la terre, ou du moins, réparer ses dégâts carboniques ?
En outre, rien n’est dit au sujet des émissions liées aux voyages d’affaires de la F1 ! Dans le rapport de développement durable 2018 de la F1, 27,7% des émissions provenaient des voyages d’affaires, définis comme « tous les transports aériens et terrestres individuels, ainsi que les impacts hôteliers pour tous les employés des équipes de F1 et les employés des principaux partenaires de l’événement ».
La F1 envisage pour les prochaines saisons un nombre record de spectacles (23 au minimum) qui feront que les 10 équipes de F1 parcourront le monde dans 21 pays différents.
La Formule 1 peut-elle encore tenir toutes les promesses de changement durable face à une saison record ? De plus, n’est-il pas quelque peu pervers que la Formule 1 contribue au changement climatique en faisant le tour du monde en avion vers des endroits à la pointe du changement climatique ?
Les pilotes, qui sont les principaux acteurs du spectacle itinérant sont bien conscients que leur sport doit changer. Sebastian Vettel a demandé à plusieurs reprises à la F1 d’en faire plus en matière de développement durable. L’engagement de longue date de Lewis Hamilton envers les causes environnementales et humanitaires doit être applaudi. Mais, force est de constater qu’aucun effet n’est perçu sur le terrain.
Malgré les efforts récents de la F1, le sport qui a construit son propre succès et richesse continue de se détacher de plus en plus de la réalité pressante de notre époque.
De toute évidence, la F1 devient de plus en plus populaire, mais le cirque itinérant le plus cher du sport doit également tenir sa promesse de changer radicalement son jeu.
Notis©2022
Sidney Usher