Aucun évènement mondial ne pourrait avoir lieu au Qatar sans les travailleurs migrants, qui représentent plus de 95 % des employés du secteur privé aux EAU. Ces femmes et ces hommes ont joué et jouent un rôle essentiel dans la construction des infrastructures de l’événement.

Des recherches réalisées entre septembre et décembre 2021 ont révélé que les travailleurs migrants engagés dans des projets à l’Expo 2020 Dubaï dans divers secteurs – de l’hôtellerie et de la vente au détail à la construction et à la sécurité – ont été soumis à des pratiques de travail forcé. Ces violations flagrantes de la loi des Émirats arabes unis, n’ont fait l’objet d’une enquête de la part des autorités, et aucun individu ou entreprise n’a été traduit en justice. Les travailleurs ont également fait part d’être victimes de discrimination raciale et d’intimidation, et d’une réticence à porter plainte officiellement pour leur traitement par crainte de représailles de la part des employeurs ou des autorités.

Tout comme à l’expo 2020, les travailleurs migrants affectés à la coupe du Monde 2022, n’échappent pas à un traitement dégradant encouragé, ou du moins, couvert par les autorités du Qatar.

Equidem, l’organisation mondiale des droits de l’homme et des droits du travail qui travaille beaucoup au Qatar, a été informée par des sources que ces agents de sécurité sous couverture ont été recrutés dans les pays d’accueil des travailleurs migrants.

« Nous sommes en contact permanent avec les travailleurs du Qatar », a déclaré Mustafa Qadri, directeur général d’Equidem. « Et donc, bien qu’il y ait un élément de spéculation, nous savons que les gens du Kenya, de l’Inde, du Népal, qui ressemblent et parlent comme n’importe quel travailleur normal, posent essentiellement des questions à des personnes connues pour être des militants. »

Les informateurs présumés ont été identifiés dans les camps résidentiels mis en place pour construire les infrastructures du Qatar avant le tournoi de novembre 2022, leur arrivée assez récente suscitant des soupçons parmi les autres travailleurs sur place.

On pense qu’ils sont placés dans les camps résidentiels non seulement pour extraire des informations sur le travail des organes de défense des droits de l’homme, mais pour identifier toute action de grève potentielle et prévenir les activités terroristes.

« Notre sentiment est que cela est organisé par le gouvernement, et non par des entreprises individuelles », a déclaré Qadri. «Mais les entreprises peuvent aussi avoir leur propre personnel.

«Je dois être extrêmement prudent. Il y a eu un haut niveau de surveillance, non seulement des journalistes qui visitent le pays, mais aussi des travailleurs. Il est évidant qu’il existe au Qatar un schéma de représailles pour les travailleurs qui enregistrent des plaintes. »

Malcolm Bidali, un blogueur  kényan qui travaillait comme agent de sécurité au Qatar, a été arrêté, emprisonné et finalement condamné à une amende pour « diffusion et publication de fausses nouvelles dans le but de mettre en danger le système public de l’État.

Monsieur Bidali, qui a été détenu à l’isolement pendant un mois avant d’être libéré, a rapporté qu’il avait lui aussi été interrogé sur ses efforts pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants sur les chantiers de construction de la Coupe du monde.

La plupart des travaux de construction du stade sont terminés, mais les travailleurs ont signalé des activités suspectes à la fois sur les quelques sites actifs et sur d’autres projets de construction.

Dans le cadre d’un webinaire organisé par le Business and Human Rights Resource Centre, il a été souligné que des milliers de travailleurs migrants n’ont pas reçu leur salaire, tandis que les organisateurs ont payé à David Beckham près de 180 millions d’euros, à titre d’ambassadeur de la Coupe du monde.

Nicholas McGeehan, co-fondateur de l’organisation de défense des droits de l’homme FairSquare, a appelé la FIFA et le Qatar à mettre en place un programme d’indemnisation pour les familles des travailleurs migrants qui n’ont pas été payés, ont été blessés ou ont subi des décès inexpliqués dans le pays.

Un rapport de Human Rights Watch, publié trois mois avant le début de la compétition, mentionne les statistiques officielles (du gouvernement qatari) qui montrent que 15 021 non-Qatariens sont morts dans le pays entre 2010 et 2019. Mais, ce chiffre est contesté par plusieurs enquêtes indépendantes qui dénoncent « un sous-dénombrement des décès de travailleurs sur les infrastructures de la Coupe du monde ».

Selon McGeehan « l’échec des Qataris à mettre en place des protections fondamentales est inexcusable. Les travailleurs peinent essentiellement parce qu’ils travaillent dans des conditions toxiques. Une compensation financière doit être mise en place pour alléger -un tant soit peu- la vie des familles qui ont construit ces infrastructures titanesques. Les travailleurs ont emprunté des sommes d’argent colossales pour se rendre au Qatar, dans l’espoir de sortir leurs familles de la pauvreté. Certains sont revenus dans des sacs mortuaires, sans réponse pour leurs proches quant à la façon dont ils sont morts ».

On ne saura jamais pourquoi l’organisation du plus grand événement sportif au monde a été attribué au Qatar.

Notis©2022

Par Mary Maz

Sources : « Debt bondage, forced labour and discrimination: How migrant workers, including many Nepalis, are suffering in Dubai »

Images : crédit photos