Bien que la photo demeure un art florissant tout azimuts (surtout depuis l’avènement du numérique), le photographe professionnel tire le diable par la queue. Selon la photographe et PDG du studio de « Jay Maisel », Emily Vickers, la situation très précaire dans laquelle se trouve la profession s’explique par le fait que le photographe connait rarement la valeur de son travail et estime qu’il a peu ou pas de pouvoir de négociation, face à des clients qui, eux, sont tout en puissance. Pour sortir de l’ornière Emily Vickers présente, ci-après, quelques conseils.

Connaître le tarif des médias

Il est clair qu’il faudra recourir à l’éducation si l’on souhaite que les photographes renversent la tendance qui mène actuellement à la baisse des honoraires, à l’abandon des droits d’auteur et à la dépréciation globale de la profession de photographe. L’éducation devra porter sur trois plans : les photographes eux-mêmes, les confrères et les acheteurs. S’ils veulent réussir dans leur domaine, les photographes doivent avant tout comprendre qu’il ne suffit pas de tout connaître sur la technique et l’art de faire de la photo. Malheureusement, les écoles et les ateliers de photo s’abstiennent d’inclure à leur programme des connaissances rudimentaires sur les pratiques commerciales, la protection du droit d’auteur et la négociation, de sorte que les photographes doivent apprendre cet aspect du métier d’eux-mêmes ou de leurs collègues. Les photographes doivent apprendre à négocier en fonction d’une valeur relative ou s’associer à quelqu’un qui sait s’y prendre à cet égard. En d’autres termes, pour augmenter leur pouvoir et leur efficacité de négociateurs, les photographes doivent bien connaître tous les coûts du client pour produire l’annonce, la brochure, le rapport annuel ou l’affiche qu’on leur commande. En ce qui concerne la publicité, le facteur le plus important dans la détermination de ses honoraires consiste à déterminer d’abord le montant consacré par le client à l’achat de l’espace dans les médias. Il faudrait donc savoir dans quelle publication et pendant combien de temps il entend faire paraître son annonce, et se procurer le tarif de la publication. Il existe plusieurs façons d’y parvenir. Vous pouvez simplement communiquer avec le service de publicité du média et demander qu’on vous envoie une carte de tarif. La connaissance du tarif des médias est un atout précieux lorsque vient le temps de négocier des honoraires acceptables. Il est également nécessaire de connaître la valeur de sa contribution à la campagne publicitaire. Il n’est pas rare que le photographe porte 90 pour 100 de la responsabilité de l’efficacité d’une annonce. Et pourtant, ses honoraires constituent une des plus petites enveloppes budgétaires du client. La même notion s’applique aux autres types de travaux comme les rapports annuels, les brochures, les publications internes et les productions audiovisuelles.

Connaître les formalités administratives

Pour parfaire votre formation, vous pouvez lire les recommandations publiées par l’ASMP, l’APA ou d’autres organismes ou l’information communiquée par certains magazines comme PDN destinés aux professionnels du métier. Mais vous devez également vous tenir au courant de ce qui se passe dans l’ensemble du secteur de la photo. Vous trouverez de l’information précieuse sur les communications dans des publications spécialisées, notamment pour la publicité, le design et la publication, entre autres dans Adweek, AdAge, Step-by-Step Graphics, la section publicitaire du New York Times (tous les jours dans la section des affaires).

Enfin, un photographe professionnel accompli doit bien connaître et savoir utiliser les formules administratives d’usage, essentielles, reliées au métier, de la lettre d’entente au bordereau de livraison en passant par la facture. Une école ou un organisme mettra peut-être un jour sur pied un cours complet ou un atelier sur les pratiques commerciales mais en attendant ce jour béni, vous devrez vous approprier cette connaissance comme vous le pouvez. Les photographes qui débutent ont intérêt à compléter leur formation par un stage auprès d’un professionnel établi.

Partager ses connaissances

Il est bien connu que les photographes laissent difficilement voir leur jeu à leurs confrères, surtout en matière de signature de contrat ou de tarif demandé aux clients. Il faudra vaincre cette paranoïa si l’on veut redonner à la profession le prestige qu’elle a déjà eu. Les photographes doivent cesser de cacher de l’information précieuse de peur que leurs confrères ne s’en servent dans une compétition déloyale.

Ils doivent dorénavant se situer au-delà des peurs vagues et non justifiées sur la fixation illégale des prix, ce qui a pour effet de nuire à une communication franche et ouverte entre les membres des organismes professionnels. Il n’y a rien d’illégal ou d’immoral à échanger de l’information entre photographes, dans la mesure où il n’y a pas de collusion sur la fixation des prix. Si les professionnels d’expérience acceptaient aussi ouvertement de partager leurs connaissances sur la façon dont ils ont obtenu un contrat, tout comme ils acceptent volontiers d’expliquer comment ils ont capté leur image, il y aurait certainement moins de nouveaux dans le métier qui parviendraient à les déloger en coupant les prix ou les conditions de travail. Ceux qui coupent les prix le font souvent par insécurité ou ignorance. Les nouveaux venus sur le marché devraient pouvoir s’appuyer sur la connaissance acquise par leurs prédécesseurs. On devrait leur accorder le soutien moral essentiel pour qu’ils maintiennent des normes élevées. Il en va de l’intérêt de toute la profession que l’on montre aux jeunes photographes les fondements de la protection du droit d’auteur, les limites de temps et d’utilisation des images et les principes pour établir un prix. Ils doivent être conscients de la valeur de leur travail aux yeux du client, quel qu’il soit.

Pédagogie professionnelle

Il faut toujours se comporter en professionnels lors des communications avec les clients et leurs agents. Le photographe doit communiquer son expérience en laissant voir que, bien que des millions de particuliers prennent des photos, un photographe professionnel est un consultant expérimenté et bien formé.

Il ne s’agit pas ici d’une occupation de passage ou d’un loisir. Plusieurs photographes ont consacré des années et d’importantes sommes d’argent à leur formation, à leur apprentissage, à leur équipement, aux frais généraux de leur studio pour en arriver là où ils sont aujourd’hui. Ils sont, tout comme leurs clients, en affaire pour gagner leur vie. En tant que membres à part entière de l’effort créatif, ils méritent le respect et une rémunération juste. Si les honoraires et le respect des droits continuent à diminuer, la banque de créateurs dans laquelle les acheteurs peuvent actuellement puiser va rétrécir également. Les jeunes candidats à la profession qui possèdent du talent seront peut-être tentés de se diriger ailleurs s’ils constatent que les photographes établis parviennent difficilement assurer une vie confortable à leurs familles.

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