Face à la montée du chômage et faute de pouvoir créer des emplois, les gouvernants multiplient les initiatives destinés à encourager les particuliers à entreprendre, à la fois pour diversifier l’emploi et dans un souci de compétitivité économique. Malgré ces encouragements, l’exercice de toute activité commerciale, artisanale ou industrielle peut engendrer des risques qui se traduiront par des responsabilités civiles et pénales.

Responsable, même s’il n’est nécessairement coupable, tout dirigeant d’entreprise peut donc voir sa responsabilité individuelle retenue par la justice. Responsabilité du fait de ses infractions, mais également pour celles de ses subordonnés.

Lorsque l’activité est exercée par un entrepreneur individuel, ces risques pèsent sur tous ses biens qui répondent des dettes contractées en vertu du principe de l’unité du patrimoine. En revanche, lorsque l’activité est exercée sous la forme de société à responsabilité limitée, le patrimoine personnel du dirigeant est, en principe, à l’abri des poursuites engagées par les créanciers sociaux, sous réserve du cas où le dirigeant est caution des dettes de la société. Cependant, si le dirigeant commet des fautes de gestion, sa responsabilité personnelle peut être engagée.

Les lois ont cependant très largement dépénalisé le droit des sociétés : de nombreuses infractions pénales concernant les règles de constitution des sociétés commerciales ou de gestion (convocation des assemblées, communication des documents sociaux) ont été supprimées, et remplacées par des mesures d’injonction de faire ou des nullités.

Ces activités présentent tout de même des risques de faute de gestion. Et la liste est longue des embûches et chausse-trapes qui guettent le dirigeant pas toujours conscient des risques du métier.

La faute de gestion

La faute de gestion est une notion élastique laissée à l’appréciation souveraine du juge. Au regard de la jurisprudence, la faute de gestion est constituée par tout acte ou omission commis par un dirigeant de société qui peut s’analyser comme une erreur dans la direction de l’entreprise, une imprudence, une négligence ou une transgression des obligations légales ou des dispositions statutaires. L’analyse de la faute est faite au cas par cas par le juge en considération des faits réalisés par le dirigeant, par rapport au comportement normal d’un autre dirigeant dans une situation identique.

Les comportements constitutifs de fautes de gestion sont nombreux et variés. On peut citer à titre d’exemple : le financement de travaux excessifs par rapport au besoin et à la situation de l’entreprise, la poursuite d’une exploitation déficitaire, des sureffectifs, le paiement de dépenses personnelles du dirigeant par la société, la tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière, des emprunts manifestement supérieurs aux capacités financières de l’entreprise, l’absence de convocation des assemblées des associés, le défaut de déclaration de la cessation des paiements lorsque l’entreprise ne peut faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Il faut aussi inclure dans la faute de gestion, un cas fréquent qui consiste dans le fait pour un dirigeant de droit (la personne qui pour rendre service a accepté d’être gérante de la SARL !) de se désintéresser de la gestion de la société, qui est laissée à un dirigeant de fait qui est le véritable maître de l’entreprise.

La faute de gestion peut servir de fondement juridique à de multiples actions en responsabilité.

La Responsabilité à l’égard des tiers

Par principe un dirigeant de société n’est pas personnellement responsable à l’égard des tiers des actes qu’il accomplit au nom et pour le compte de la société. En effet, seule la société est engagée. Cependant, la responsabilité personnelle du dirigeant peut être exceptionnellement mise en jeu. Le législateur et le juge ont élaboré un système de responsabilité basée sur la notion de « faute séparable des fonctions ». Cette faute, bien que peu définie par la jurisprudence, est généralement reconnue lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec ses fonctions. Pour les dirigeants de SARL ou de sociétés par actions, où un texte spécifique existe, la prescription est de 3 ans alors que pour les dirigeants d’autres formes de société (où l’action est fondée sur le régime de droit commun), la responsabilité se prescrit par 5 ans à compter du jour où le tiers a connu ou aurait dû avoir connaissance de la faute.

Les dirigeants sociaux peuvent mettre en jeu leur responsabilité pénale personnelle à chaque fois qu’ils commettent des infractions personnelles commises dans le cadre de la vie de la société, tel par exemple un abus de biens sociaux. Cette responsabilité pourra également relever des infractions relevant de la vie sociale et économique de la société.

On notera que le juge a estimé que lorsque le dirigeant a commis volontairement une infraction pénale, la faute est alors automatiquement considérée comme séparable des fonctions de dirigeant en sorte que sa responsabilité personnelle est engagée. Enfin, on rappellera ici que la société ou un organe de la procédure en cas d’ouverture d’une procédure collective peut demander de réparer des dommages résultant d’une faute. L’administration fiscale peut également obtenir une condamnation au paiement des impôts dus par la société lorsque le dirigeant a rendu son recouvrement impossible.

La Responsabilité à l’égard de la société et des associés

De manière schématique, la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la société est susceptible d’être engagée pour la violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société, violation d’une clause statutaire, et la commission d’une faute de gestion (imprudence, négligence ou manœuvres frauduleuses) en sorte que la responsabilité du dirigeant peut être engagée dans de nombreux cas.

La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la société se fait soit par l’action de la société qui peut agir en indemnisation de ses préjudices contre son dirigeant. La société pourra agir par l’intermédiaire de ses dirigeants, mais également de ses associés représentant au moins un certain pourcentage du capital. Les associés peuvent également agir pour obtenir réparation de leur préjudice personnel. Cette action est recevable que si le préjudice subi par l’associé est distinct de celui éventuellement subi par la société.

 La loi prévoit une action spéciale, exclusive de toute autre action en responsabilité civile, lorsque la faute de gestion est une des causes de la cessation de paiements de l’entreprise. Le dirigeant qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif peut être poursuivi par les organes de la procédure collective sur le fondement de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

Cette action a pour objet, en présence d’une insuffisance d’actif, d’obliger les dirigeants à supporter tout ou partie du passif social de la personne morale sur leur patrimoine personnel. Le pouvoir du juge est considérable : il peut décider après avoir caractérisé les fautes de gestion de ne pas condamner l’auteur, eu égard aux circonstances de l’espèce. A l’inverse, le dirigeant peut être condamné à supporter en totalité les dettes sociales, même si sa faute n’est à l’origine que d’une partie d’entre elles. La sanction n’est donc pas nécessairement proportionnée à la faute commise.

Si les dirigeants condamnés n’exécutent pas la sanction, le tribunal peut prononcer à leur encontre une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer une entreprise.

Le spectre de sa responsabilité individuelle ne doit pas paralyser l’entrepreneur, mais il doit être conscient des risques, de ses droits et de ses devoirs afin que son esprit d’entreprendre ne l’entraîne pas devant les prétoires.

Deux options pour être moins en première ligne

Une solution pour réduire l’exposition au risque de condamnation du dirigeant, à titre personnel, est de déléguer une partie de ses pouvoirs. A condition que les salariés concernés aient la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires. A noter que la délégation de pouvoirs doit être certaine et sans ambiguïté, mais pas nécessairement écrite. Elle se poursuit à l’issue des fonctions du dirigeant (à la différence d’une délégation de signature). Les subdélégations de pouvoirs obéissent aux mêmes conditions.

Le dirigeant peut également bénéficier d’une assurance souscrite par l’entreprise, qui garantira les conséquences de sa responsabilité civile personnelle. Toutefois, cette garantie exclut la responsabilité pénale, les fautes intentionnelles, les pénalités, amendes, impôts, taxes dont il peut être redevable, ainsi que les engagements de caution et les actions exercés par un actionnaire majoritaire.

 Notis©2012