Au plan mondial, au moins 90 millions d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans, soit deux adolescents sur cinq, au moins, ont fait l’objet de violences psychologiques, physiques et/ ou sexuelles exercées par leurs parents, tuteurs ou partenaires intimes.

Dans de nombreux pays, l’ampleur des violences à l’encontre les enfants est largement sous-estimée à cause, notamment, de l’idée répandue, cultivée et tolérée par la communauté – y compris par les enfants – que la violence constitue la norme, plutôt qu’un grave problème qu’il convient de résoudre.

La violence à l’encontre des enfants (comme des minorités) est peut-être cachée, mais ses conséquences finissent toujours par refaire surface, brisant la vie des victimes devenues adultes, les marquant de façon durable et impactant la société toute entière.

Définition

Selon l’OMS, la violence est « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».

Lorsqu’on évoque la violence, il ne s’agit donc pas simplement des actes à l’origine de préjudices physiques. Ses conséquences vont bien au-delà des décès et des blessures et peuvent aller jusqu’à des maladies transmissibles et non transmissibles, des séquelles psychologiques, des comportements à risque, des échecs scolaires et professionnels et la criminalité.

Formes

La plupart du temps, la violence à l’encontre des enfants comprend au moins l’une des six formes principales de violence interpersonnelle ayant tendance à se manifester à différents stades du développement de l’enfant:

• La maltraitance (y compris les châtiments violents) s’entend de tous les mauvais traitements physiques et/ou affectifs, des sévices sexuels, ainsi que du défaut de soin des nourrissons, des enfants et des adolescents aux mains des parents, des personnes qui en ont la charge et d’autres personnes en position d’autorité, le plus souvent à la maison mais également dans des contextes comme les écoles et les orphelinats.

• Le harcèlement se définit comme un préjudice physique, psychologique ou social répété et survient souvent dans un cadre scolaire et d’autres cadres où les enfants se retrouvent, ainsi que sur internet.

• La violence chez les jeunes se concentre chez les personnes âgées entre 10 et 29 ans et survient le plus souvent au sein de la communauté, entre des pairs et des étrangers, et comprend l’agression physique armée (l’usage d’armes à feu et d’armes blanches par exemple) ou non armée et peut comprendre la violence liée aux gangs.

• La violence du partenaire intime (ou violence domestique) désigne toute violence infligée par un partenaire intime ou un ex.

Bien que les hommes puissent également en être victimes, la violence du partenaire intime touche les femmes de façon disproportionnée. Elle touche souvent les filles victimes de mariages précoces, forcés ou de mariage d’enfants. Chez les adolescents entretenant une relation amoureuse sans être mariés, on parle parfois de violence à l’occasion des sorties ou des fréquentations.

• Par violence sexuelle, on entend tout acte sexuel ou toute tentative d’acte sexuel exercé par autrui en faisant usage de la force, tout autre acte non désiré de nature sexuelle n’impliquant pas un contact (comme le voyeurisme ou le harcèlement sexuel), les actes de traite à des fins sexuelles d’une personne n’étant pas en mesure de donner son consentement ou ayant refusé de le faire, ainsi que l’exploitation en ligne.

• La violence psychologique ou affective et les enfants témoins de violence s’entendent de la limitation des mouvements d’un enfant, du dénigrement, du fait de le tourner en ridicule, des menaces et de l’intimidation, de la discrimination, du rejet et d’autre formes non physiques de traitement hostile.

Par enfants témoins de violence, on entend par exemple le fait de forcer un enfant à assister à un acte de violence, ou le fait qu’il soit témoin accessoire de violences entre deux personnes ou plus. Lorsque ces formes de violence sont dirigées contre des garçons ou des filles à cause de leur sexe biologique ou leur identité sexuelle, elles peuvent également être qualifiées de violences fondées sur le sexe.

Causes

La tolérance sociale face aux filles victimes et aux agissements des hommes et des garçons est l’un des facteurs principaux permettant d’expliquer la vulnérabilité des enfants et des adolescents face à la violence, en particulier celle des filles.

Bien souvent, ces abus ou cette exploitation sont perçus comme étant normaux et les communautés se sentent impuissantes, ce qui mène à de faibles taux de signalement aux autorités, tout en véhiculant la honte, la peur et la croyance selon laquelle personne ne peut rien y faire. De plus, les victimes sont souvent tenues pour responsables des violences subies.

La tolérance sociale face à la violence en général et face à la violence sexuelle et à la violence du partenaire intime en particulier s’explique par le statut inférieur qu’ont les femmes et les enfants au sein de nombreuses sociétés et par les normes culturelles entourant les questions liées à la masculinité et au genre.

Pour parvenir à l’égalité des sexes, réduire la violence envers les filles, définir des activités de prévention et répondre à des besoins spécifiques en matière de soins et d’appui, il est donc essentiel, d’un point de vue stratégique, de faire évoluer les normes de genre liées aux droits des hommes sur le corps des femmes et des filles et à leur capacité à contrôler leur comportement. La violence trouve également sa source dans un certain nombre d’autres facteurs culturels, sociaux et économiques ayant des répercussions sur les communautés, les familles, les relations et la façon de vivre des enfants au quotidien.

Facteurs

Le modèle socio-écologique montre l’interaction entre les facteurs individuels, relationnels, communautaires et sociétaux.

• Au nombre des facteurs de risque individuels, citons les éléments liés à des antécédents biologiques et personnels, tels que le sexe, l’âge, l’éducation, le revenu, le handicap, une altération du développement cognitif et du développement du cerveau, des troubles psychologiques, l’usage nocif de l’alcool, la toxicomanie, ainsi que des antécédents d’agression ou de mauvais traitements.

• Les facteurs de risque dans le cadre d’une relation proche comprennent le manque de lien affectif, les mauvaises pratiques parentales, un dysfonctionnement familial et la séparation, la fréquentation de camarades délinquants, les enfants témoins de violences envers leur mère ou leur belle-mère et les mariages forcés ou précoces.

• Les facteurs de risque communautaires reflètent dans quelle mesure les caractéristiques des milieux tels que l’école, le lieu de travail et le quartier augmentent les risques de violence. Parmi ces derniers, il y a la pauvreté, une densité démographique élevée, les populations de passage, une faible cohésion sociale, des environnements physiques peu sûrs, des taux de criminalité élevés et l’existence d’un trafic local de stupéfiants.

• Les facteurs de risque sociétaux comprennent les normes sociales et juridiques qui créent un climat propice à la violence ou institutionnalisent cette dernière.

Les politiques sanitaires, économiques, éducatives et sociales qui font perdurer les inégalités sur le plan social, économique ou en matière d’égalité des sexes, un système de protection sociale déficitaire ou inexistant, la fragilité sociale due à un conflit, aux conséquences d’un conflit ou à une catastrophe naturelle, ainsi que des failles en matière de gouvernance et d’application des lois constituent d’autres facteurs de risque de cette même catégorie.

Conséquences

Les répercussions instantanées et à long terme sur la santé publique, de même que les conséquences économiques de la violence envers les enfants réduisent l’efficacité des investissements dans l’éducation, la santé et le bien être des enfants.

La violence à l’encontre des enfants érode également la capacité de production des générations futures.

L’exposition à la violence à un jeune âge peut porter atteinte au développement du cerveau et endommager d’autres zones du système nerveux, ainsi que les systèmes endocrinien, circulatoire, musculo-squelettique, reproductif, respiratoire et immunitaire, avec des conséquences permanentes.

Il a été clairement démontré que le fait d’être victime de violences au cours de l’enfance augmentait les risques de traumatismes, de contracter le VIH ou d’autres infections sexuellement transmissibles, de souffrir de problèmes de santé mentale, d’accuser un retard du développement cognitif, d’obtenir de mauvais résultats scolaires et de se retrouver en échec, de connaître des problèmes liés à la santé reproductive et de souffrir de maladies transmissibles et non transmissibles.

L’impact économique de la violence à l’encontre des enfants est également non négligeable, comme le montrent les données émanant des pays et régions où l’impact financier de la violence a pu été estimé. Rien qu’aux États-Unis, les nouveaux cas de maltraitance des enfants sur une année représentaient un fardeau économique total au cours de la vie d’US $ 124 milliards et ce chiffre n’augmente lorsque d’autres types de violence sont pris en compte, comme la violence chez les jeunes. Dans la région de l’Asie orientale et du Pacifique, on estime que les retombées économiques de quelques unes des conséquences sanitaires de la maltraitance des enfants ont représenté entre 1,4% et 2,5% du PIB annuel de la région

Préventions

La violence à l’encontre des enfants est protéiforme et les causes de ce problème se nichent aux niveaux individuel, communautaire, sociétal et au niveau des relations proches. C’est la raison pour laquelle il faut agir simultanément à plusieurs niveaux différents.

S’attaquer au problème de la violence à l’encontre des enfants implique la mise en œuvre de mesures pour:

• créer des environnements familiaux sûrs, durables et positifs et fournir une aide et un soutien spécialisés aux familles où il existe un risque de violence;

• modifier les environnements dangereux en instaurant des changements physiques;

• réduire les facteurs de risque dans l’espace public (dans les écoles, dans les lieux de rassemblement des jeunes) pour réduire la menace de violence;

• lutter contre les inégalités entre les sexes dans les relations, à la maison, à l’école, sur le lieu de travail, etc.;

• faire évoluer les attitudes et pratiques culturelles qui favorisent le recours à la violence;

• faire en sorte que les cadres législatifs interdisent toutes les formes de violence à l’encontre des enfants et restreignent l’accès des jeunes aux produits dangereux comme l’alcool et les armes à feu; • donner accès à des services d’intervention de qualité aux enfants touchés par la violence;

• éliminer les inégalités culturelles, sociales et économiques qui nourrissent la violence, réduire le fossé entre les riches et les pauvres et assurer un accès équitable aux biens, aux services et aux opportunités; et

• coordonner les mesures des différents secteurs qui jouent un rôle dans la prévention et la répression de la violence à l’encontre des enfants.

Notis©2021

Par Sidney Usher

Sources : OMS/INSPIRE