Quitte à sacrifier l’efficacité économique, la fiscalité peut-elle contribuer à réduire l’épaisseur du mur qui sépare les «riches» et les «pauvres»? Les critères de la juste répartition des charges fiscales sont-ils encore au cœur des préoccupations des pouvoirs publiques? Difficile de trancher, de couper et de départager. Car, sur le terrain, même si elle peut exercer quelque effet d’entraînement social, la fiscalité ne saurait être considérée comme l’alpha et l’oméga de la justice sociale.

Les finalités fiscales

La finalité première des prélèvements obligatoires est de financer les dépenses publiques. En outre, selon leur structure, certaines dispositions fiscales peuvent jouer un rôle économique incitatif, grâce notamment aux exonérations ou abattements d’impôts pour certaines activités ou certaines dépenses. La fiscalité peut, à l’inverse, produire un effet modérateur ou paralysant sur l’économie. Il en est ainsi des prélèvements frappant la consommation de produits spécifiques (substances nuisibles pour l’environnement ou à la santé) ou certaines activités (nocives à l’environnement ou à la santé).

Quant au rôle de redistribution de la fiscalité, il consiste à corriger et à limiter les inégalités de revenus, notamment par l’intermédiaire de la progressivité de l’impôt. La fiscalité peut donc être utilisée pour modifier la répartition du revenu national, dans le sens d’une réduction des inégalités sociales, sur la base du principe de l’imposition selon la faculté contributive.

Il convient toutefois de souligner que les autorités publiques disposent pour réduire les inégalités d’autres instruments que la fiscalité : les transferts sociaux (comme les prestations familiales ou les fonds d’aide d’insertion…), la production de services publics gratuits ou à prix réduit (comme l’enseignement scolaire, les soins médicaux…), enfin l’intervention directe sur les marchés des biens, des services ou du travail (par exemple au travers de la fixation de salaires minima comme le SMIC).

Les imperfections fiscales

Un système fiscal est fortement redistributif lorsque les prélèvements progressifs y occupent une place prépondérante, par rapport aux prélèvements proportionnels :

*un prélèvement progressif est un prélèvement dont le taux croît lorsque son assiette augmente. Le taux de prélèvement est alors plus fort pour les hauts revenus que pour les bas revenus (ex : l’impôt sur le revenu) ;

*un prélèvement proportionnel est un prélèvement dont le taux reste fixe, quelle que soit son assiette. Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est le même pour tous les consommateurs quels que soient leurs revenus. Mais, globalement, elle peut être considérée comme un impôt dégressif car, compte tenu de la part plus forte de la consommation dans les dépenses des ménages les moins aisés, les prélèvements sur leur consommation sont proportionnellement plus importants.

L’analyse du rôle redistributif de la fiscalité montre que les prélèvements obligatoires pris dans leur ensemble n’ont pas forcément l’effet égalisateur des revenus que laisserait présager leur taux relativement élevé. En effet, l’ensemble des prélèvements et des transferts réduit nettement l’éventail des revenus, mais cela résulte bien davantage des transferts sociaux que de la fiscalité. En effet, l’impôt sur le revenu, quoique très progressif, n’occupe en général qu’une place limitée parmi les prélèvements obligatoires, composés pour l’essentiel de prélèvements plus ou moins proportionnels (comme les impôts locaux et les impôts sur la consommation) ou faiblement progressifs (comme les cotisations sociales, qui deviennent même dégressives pour les revenus les plus élevés). La distribution primaire des revenus est trop inégalitaire pour que la fiscalité soit un rempart contre l’injustice sociale. Les inégalités continuent donc de se creuser.

Notis©2013

Par Sidney Usher