Pendant près de trois décennies, Sir Alex Ferguson a fait du club de football «Manchester United» l’une des marques de sport les plus rependus dans le monde entier. Le journaliste Sean Silverthorne s’est entretenu avec Anita Elberse, professeur en administration des affaires dans le département «marketing» du Harvard Business School, afin d’élucider les secrets de la durée d’une telle réussite. Nous publions, ci-après un extrait de cette entrevue dont la totalité est disponible sur le site électronique de cette grande école de commerce.

Il convient de rappeler  que le Professeur Elberse est l’auteure d’études très commentées qui traitent de l’industrie créative et récréative, allant de la super star du basket-ball, LeBron James, à la diva de la pop, Lady Gaga, en passant par l’acteur de cinéma Tom Cruise et la tenniswoman Maria Sharapova.

Dernier sujet, à ce jour, abordé par Anita Elberse est donc un club de football britannique et son gestionnaire qui se révèle être aussi un artiste hors-pair. En effet, depuis 26 ans, Sir Alex Ferguson a hissé et gardé son club de football «Manchester United» au sommet de la compétitivité, à la fois en Angleterre et au  niveau international. Dans son analyse portant sur la rentabilité de l’écossais, Anita Elberse affirme : « à ma connaissance, Il n’y a pas d’entraîneur encore actif dans le haut niveau du football et dans le sport en général, qui ait tenu un mandat aussi long, sans parler du nombre de titres et trophées qu’il a accumulés ».

La spécificité de Sir Ferguson provient, non seulement, de son habilité dans la gestion des talents et motivations des plus grands athlètes au monde, mais également, de sa faculté (ou facilité) d’adaptation dans tous les régimes (technologiques et stratégiques) de formation modernes, aussi bien sur le champ du jeu que sur le plan organisationnel.

Sean Silverthorne: Quelle a été votre source d’inspiration pour traiter du cas Fergusson et son milieu d’ensemble?

Anita Elberse: Je suis particulièrement fasciné par les entreprises et les personnes qui exercent dans les secteurs du divertissement, les médias et les sports. Surtout lorsqu’elles sont pourvues d’antécédents très solides, en terme de durée. Sir Alex Ferguson est un manager qui a connu un succès extraordinaire dans une carrière qui s’étend sur plusieurs décennies. Il est à la tête de son club actuel, Manchester United, depuis plus d’un quart de siècle. Sous sa direction, l’Angleterre est devenue l’une des zones franches les plus performantes du monde, tous les sports confondus. Alors, quand j’ai appris grâce à un contact au sein dudit club qu’il y avait une possibilité d’écrire un texte sur Sir Alex, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai pensé que j’allais sans doute apprendre beaucoup de choses sur ce qu’il faut pour diriger et gérer une équipe sportive. De fait, cela s’est avéré être le cas.

Question: Apparemment, au départ, l’enjeu était-il d’être en mesure d’assister à quelques matchs en personne et voir Ferguson en action ?

Réponse: Oui, c’est vrai. C’est l’un des sacrifices que j’ai accompli, au nom de la recherche! Mais en toute sincérité, mon co-auteur et collègue, Tom Dye et moi avons convenu qu’il était important de prendre notre temps et faire ce que de droit.

J’ai d’abord rencontré Sir Alex en automne dernier, lors d’un de ses voyages aux États-Unis, et nous avons vite fait des plans pour lui rendre visite à Manchester deux fois: en Mars, pour le voir en action pendant la saison, et en Juillet pendant la pause estivale afin d’avoir plus de temps pour parler avec lui et en apprendre davantage sur son approche de la gestion du club. Les conditions de la rencontre ont été vraiment remarquables. Nous avons pu observer son approche du jeu, à la fois à Carrington, le terrain d’entraînement, et à Old Trafford, le stade. Il nous a personnellement servi de guide lors de la visite du terrain d’entraînement, et nous a donné accès à certaines parties du stade qui sont normalement fermées aux visiteurs. Nous avons eu la chance de parler avec un grand nombre de personnes avec qui il travaille : le chef de la direction du club, ses entraîneurs adjoints, les joueurs et l’équipe des jeunes, son assistant de longue date, le responsable de l’équipement, et même les dames qui prennent soin de laver les maillots de l’équipe. Toutes ces expériences et échanges se sont révélées essentielle pour la compréhension du système de fonctionnement de Sir Alex Fergusson.

Q: Une grande partie de l’histoire de Ferguson réside dans sa performance dans les sommets et sa  constance qui dure depuis plus de 26 ans. Pourriez-vous nous révéler quelques unes des clés de ce succès?

R: Je pense que sa volonté de développer les jeunes talents est au cœur de sa réussite à long terme. Sir Alex parle de la différence entre « construire une équipe et la construction d’un club. » Quand il a commencé à United, il se mit aussitôt à révolutionner le programme de formation des jeunes du club. Il a aussi introduit plus de transparence dans l’organisation: par exemple, faire en sorte que les joueurs de l’académie se frottent quotidiennement aux principaux acteurs afin de favoriser une attitude, un esprit, «un club». Et même dès le début, malgré les appels de nombreux observateurs à jouer plus sûr (« Vous ne pouvez pas gagner quoi que ce soit avec les enfants» est l’une des phrases célèbres à l’époque, prononcée par un commentateur de télévision), il a donné la chance à de jeunes joueurs de gagner une place dans l‘équipe première. Il a ainsi favorisé l’émergence de beaucoup de joueurs. Ryan Giggs, David Beckham, Gary Neville, Paul Scholes sont devenus de véritables vedettes pour leur génération, offrant au club une base solide sur laquelle construire.

La gestion de ce processus, sur une longue période implique inévitablement de se séparer des joueurs plus âgés qui ne peuvent plus être bon pour l’équipe. Ce qui peut être éprouvant émotionnellement. Fergusson, lui-même, me l’a dit : «La pire chose à faire est de laisser partir un joueur qui a été un bon élément pour le club».

D‘autres facteurs contribuent également à son succès. Un facteur qui m’a particulièrement impressionné est sa capacité à s’adapter aux temps qui changent. Vous devez comprendre que le monde du football aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’il y a 26 ans. Sir Alex a adopté de nouvelles technologies et de nouvelles approches. Il a embauché des scientifiques du sport dans son personnel. Il a adopté de nouvelles techniques pour mesurer et améliorer les performances des joueurs. Cela semble simple, mais quand on a eu autant de succès que lui, j’imaginer qu’il est plus facile de rester cantonner dans de vieilles habitudes et des schémas dépassés.

Notis©2013

Sources: Harvard Business School (www.hbs.edu)