La « Croissance », telle qu’elle est voulue par l’économie industrielle, est en réalité une forme de vol commis au détriment de la nature et les peuples les plus vulnérables. Certes, l’abattage massif des forêts naturelles ou leur conversion systématique en monocultures qui serviront de matières premières engendre des revenus et suscite la croissance économique. Mais celle-ci est fondée sur une violence faite à la forêt : cette dernière se trouve dépouillée de sa biodiversité et de sa capacité à préserver les sols et l’eau.

Dans les conditions imposées par ce style de croissance, nous ne pouvons plus compter sur les communautés biotiques constitutives des forêts pour nous fournir des aliments, du fourrage, des combustibles, des fibres, des substances thérapeutiques, et nous protéger contre les inondations et les sécheresses.

Le Monopole Alimentaire

Nous assistons actuellement à l’apparition d’un totalitarisme alimentaire dans lequel une poignée de firmes dominent la totalité de la chaîne alimentaire et détruisent les bases des solutions alternatives, de sorte que les populations ne peuvent pas accéder à une alimentation variée, saine et produite de façon écologique. Les marchés locaux sont délibérément anéantis pour que soient établis des monopoles sur les semences et les systèmes alimentaires.

La mise en faillite du marché de l’huile alimentaire dans les pays agricoles et les nombreuses façons dont on empêche les agriculteurs de disposer de leur propre approvisionnement en semences sont de petits exemples qui illustrent une tendance globale, des règles commerciales, des droits de propriété et de nouvelles technologies sont employés pour saborder les solutions alternatives respectant les hommes et l’environnement, et pour imposer à l’échelle de la planète des système d’alimentation malmenant les populations et la nature.

Dans le cadre de la mondialisation et du libre-échange, un complet retournement de valeur s’est opéré. Le droit de produire pour soi-même et de consommer en fonction de ses traditions culturelles eu de ses préoccupations de santé » est décrété illégal, au nom des nouvelles règles du commerce. En revanche, un droit absolu est reconnu aux firmes d’imposer aux citoyens du monde entier des aliments culturellement inappropriés et éventuellement dangereux pour la santé. Le droit de se nourrir par soi-même, le droit de protéger sa santé, le droit de pratiquer ses traditions culturelles sont considérés comme des entraves au commerce qu’il s’agit de démanteler.

Leurre de la Démocratie

Ce totalitarisme alimentaire ne pourra être renversé que par une vaste mobilisation des citoyens en faveur de la démocratisation du système alimentaire. Cette mobilisation est en train de gagner en Europe, au Japon, en Inde, au Brésil et dans d’autres parties du monde.

Nous devons affirmer notre droit à sauvegarder les semences et à protéger la biodiversité. Nous devons affirmer notre droit à protéger la terre et la diversité des espèces qui la peuplent. Nous devons arrêter le vol commis par les firmes au détriment des pauvres et de la nature. La démocratisation du système alimentaire est le nouvel objectif de la démocratie et des droits de l’homme. C’est aussi le nouvel objectif d’un développement écologique durable et de la justice sociale.

Notis©2012

Source : Le terrorisme alimentaire, par Vandana Shiva (Ed. Fayard)