« Il y a le feu ! », s’alarme Michel Rocard, 82 ans, ancien Premier Ministre de la France (1993-1994), dans un entretien au Journal du dimanche. « Regardez, affirme-t-il, où en sont les moteurs de la croissance. La consommation est en panne à cause du chômage, l’investissement aussi puisque les perspectives sont nulles, les exportations sont en berne car l’Europe est en récession et la dépense publique est contrainte par l’objectif de réduire les déficits. ». Pour lutter contre le chômage et sortir de cette « situation terrifiante » dans laquelle se trouve son pays, Mr Rocard préconise un report des départs en retraite et une baisse du temps de travail.

Réduire le temps du travail

« La première des urgences, estime Michel Rocard, c’est de faire baisser le chômage. Comme nous n’avons pas de croissance économique, la seule façon d’y parvenir est de réduire le temps de travail, c’est ce que Pierre Larrouturou et moi expliquons dans notre livre (La gauche n’a plus le droit à l’erreur, Flammarion). Ce sujet est un tabou. Je souhaite que la réflexion s’ouvre à nouveau. En France, les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, contre moins de 33 heures en Allemagne et moins de 31 aux États-Unis. Il faut y parvenir par la négociation, en réduisant les cotisations sociales des entreprises. Un chômeur embauché, ce sont des allocations économisées et des cotisations qui rentrent dans les caisses publiques.

La bataille du temps de travail est une constante absolue de l’histoire ouvrière. Martine Aubry avait imposé les 35 heures contre la CGT, qui, par sa propre histoire, se consacre davantage aux salariés en poste qu’aux chômeurs. La méthode a donné lieu à des complications infernales dans les entreprises. Nous sommes restés sur cette crispation. Puis Sarkozy a sorti son slogan : travailler plus…, sans dire si cela concernerait chaque actif individuellement ou tout le monde ensemble. Je dis qu’il faut travailler plus tous collectivement pour gagner plus collectivement. Ce qui permettra de réduire un peu la durée de chacun. Si les partenaires sociaux s’en saisissent, Hollande n’ira pas contre. »

Allonger la durée de cotisation à la retraite

A la question : faut-il donc travailler plus longtemps? Michel Rocard répond : « Il faut dire la vérité aux Français, le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisations, pas sur un droit lié à un âge borné et inutile. En conséquence, on peut aller jusqu’à 65 ans. C’est vivement souhaitable, à tous points de vue. Il y a une mortalité forte juste après 60 ans car le travail maintient en forme. Et travailler plus longtemps résoudrait le sous-emploi des seniors. Ce serait un apport considérable. »

Questionné sur la taxe à 75% pour les plus riches, il fait valoir que la loi Tepa (juillet 2007) de Nicolas Sarkozy était « une insulte » pour les 75% de Français qui gagnent leur vie modestement. « Or, poursuit-il, l’insulte appelle la revanche. Je regrette que François Hollande en soit resté à la revanche ». Il  espère que le gouvernement saisira l’occasion pour mener une grande réforme fiscale, « avec un impôt à la source harmonisé et plus progressif », qui permettrait d’appeler « les plus aisés à contribuer davantage, sans brutalité ».

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Sources : JDD, AFP