« Mein Kampf », l’un des livres les plus funestement célèbres, sortira du droit d’auteur pour tomber dans le domaine publique, à compter du 31 décembre 2015. Théoriquement, cela signifie que n’importe qui pourra publier et commercialiser ce livre pour son propre compte. Selon l’éditeur Britannique, John Murphy, dont le grand père a traduit la première version intégrale en Anglais en 1936, «Mein Kampf» reste un texte dangereux. « Hitler a été sous-estimé tout comme le concentré de haine contenu dans son livre. Si on avait prêté attention à ces menaces, des atrocités auraient été évitées », a-t-il dit.

Le contexte

Adolph Hitler a commencé à écrire Mein Kampf dans la prison où il purgeait sa peine pour son implication dans le putsch manqué de 1923. Il y expose vertement ses vues racistes et antisémites. Une fois accédé au pouvoir suprême, une décennie plus tard, le livre devînt le bréviaire du nazisme. Douze mille exemplaires furent imprimés par les éditions de l’Etat et imposés aux couples nouvellement mariés ainsi qu’à tous les hauts fonctionnaires.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les droits d’auteurs de « Mein Kampf » furent arrachés à l’éditeur nazi et confiés aux autorités bavaroises. Ces dernières ont tenu à ce que le livre ait été réimprimé, en Allemagne, seulement dans des circonstances exceptionnelles. Avec l’expiration de cette protection, ce sont les maisons d’édition « free for all » (libre de tout droit d’auteur) qui s’empareront de ce texte nocif pour la cohésion sociale et la paix entre les peuples.
« Les Bavarois ont utilisé le droit d’auteur pour contrôler la republication de Mein Kampf. Maintenant que ce pouvoir de contrôle touche à sa fin, il y a des chances que ce livre tombe entre les mains de néo-nazis, des organisations malintentionnées et des personnes mal informées du contexte de sa rédaction», a prévenu l’éditeur John Murphy.

Le consept

Techniquement, « Mein Kampf » est une succession désordonnée d’idéologies ampoulées, mal agencées et difficiles à suivre, que même les historiens sérieux renâclent à commenter. Pourtant, le livre est devenu populaire par exemple en Inde où des politiciens de plus en plus nombreux affichent désormais sans fards leur nationalisme hindou. L’image d’un petit homme enfermé dans une prison qui rêve du pouvoir et réalise son rêve fait toujours recette.
Ce qu’il faut craindre, c’est que les nouvelles publications omettent ou suppriment le contexte dans lequel le livre a été rédigé. Le porte-parole du ministère bavarois de l’Éducation et de la Culture a déclaré: « Le résultat de ce livre, ce sont des millions de personnes qui ont été tuées, des millions de femmes et hommes qui ont été maltraités, des zones entières qui ont été ravagées par la guerre. Il est important de garder cela à l’esprit. Cela est possible, si et seulement si certains passages sont accompagnés de commentaires historiques, critiques et appropriés. »
L’Institut d’histoire contemporaine de Munich prévoit de sortir une nouvelle édition de Mein Kampf qui combinerait le texte original avec un commentaire en soulignant les omissions et distorsions de la vérité.

Le « tractus honni »

Certaines victimes et survivants du nazisme se sont opposés à cette approche «pédagogique», recommandant la suppression pure et simple de ce livre sur le marché.

Mais, la politique de la suppression pourrait ne pas être la meilleure tactique. Dans un éditorial paru dans le New York Times on peut lire: « L’inoculation des jeunes générations contre le bacille du nazisme serais plus efficace si on procède à une confrontation ouverte contre les mots employés par le Dictateur Hitler. Garder ce «tractus honni» (acte de honte) dans l’ombre de l’illégalité produirait un effet contraire ».

De fait, une interdiction mondiale de nouvelles publications « Mein Kampf » s’avère impossible. Après l’expiration du droit de contrôle sur ce livre, il est donc essentiel que les autorités publiques multiplient et accentuent des mesures contre l’incitation à la haine raciale. Car l’idéologie d’Hitler correspond à la définition même de l’incitation à la haine.

Mein Kampf est un livre dangereux, surtout s’il tombe dans de mauvaises mains.

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