Stanley CROUCH, autoproclamé «pragmatiste radical», a défié la catégorisation systématique. Auteur prolifique (essayiste, chroniqueur et romancier), il a sans concession ébranlé la pensée conventionnelle.
Marqué par des émeutes raciales de 1965, à Watts, sa ville natale de Los Angeles, Stanley a survécu en se transformant en essayiste et chroniqueur de journaux syndiqués. Ses positions et propos lui ont suscité critiques des adversaires et ennemies de tout bord, y compris ses anciens camarades intellectuels, qui, pour la plupart, n’avaient jamais sérieusement lu ses œuvres.

Pendant près d’un demi-siècle, Stanley Crouch a défendu la « Musique Afro-américaine », en élargissant sa présence et la légitimant au sein de la culture locale et mondiale. Il contribué à la création du « Jazz au Lincoln Center », l’une des principales vitrines internationale de la Culture Afro-Américaine. Contre vent et marrée, il défendu et promu la carrière du célèbre trompettiste, Wynton Marsalis, avec lequel a cofondé ce centre de formation et d’information musicale en 1991. Ce dernier en est depuis le directeur artistique.
Stanley Crouch a déclaré qu’il avait largement appris à écrire en dévorant des livres dans son enfance et en puisant dans une sensibilité lyrique innée, qu’il exprimait aussi bien en poésie qu’en prose. Il a écrit à propos du trompettiste Dizzy Gillespie: «Il est passé de la position d’un poisson étrange à un surfeur étoilé, chevauchant les hautes eaux courbes d’une tendance dont il était l’un des chefs de fil. Il a ensuite sombré dans la position de ces miracles pris pour acquis, mais est revenu périodiquement en surface, ruisselant de nouvelles sagesses, faisant signe à d’autres qui le suivirent sur les minces planches de l’art et du divertissement. Il a montré à ceux qui veulent se faire un nom dans le monde de l’Art qu’il faut monter au sommet des montagnes russes, au goût du public, et s’enfermer dans une saumure où ils sont à jamais en péril… »

Stanley Lawrence Crouch est né le 14 décembre 1945, à Los Angeles (USA), de James et Emma Bea (Ford) Crouch. Son père était un héroïnomane et un arnaqueur qui était en prison à la naissance de Stanley et n’a rencontré son fils qu’à l’âge de 12 ans. Sa mère était une femme de ménage qui a élevé Stanley, sa sœur aînée, qui est devenue comptable, et leur jeune frère est décédé en 1980 des complications de blessures par balle.
Enfant, Stanley était souvent confiné à la maison pour des problèmes d’asthme, lisant avec voracité.
M. Crouch a déclaré que sa mère avait joué un rôle déterminant dans son développement en tant qu’écrivain, lui apprenant l’alphabet et l’orthographe avant de l’inscrire à l’école et l’initiant au jazz.
Il créa un club de jazz au lycée et apprit lui-même à jouer de la batterie « freestyle », au sein du « Black Music Infinity », un groupe qu’il cofonda composé de jeunes musiciens de la région, qui sont tous devenus des figures d’avant-garde de renom, parmi lesquelles les saxophonistes David Murray et Arthur Blythe, le pianiste James Newton et le bassiste Mark Dresser. Cet épisode constitue un contraste frappant avec le puriste du jazz que Stanley Crouch est devenu plus tard. En effet, à moment donné, au milieu des années 1980, Stanley Crouch a fustigé Miles Davis pour avoir joué de la fusion jazz-rock électrique, il a également traité Cecil Taylor de « homosexuel », en raison de son style musical libertaire.

M. Crouch a fréquenté, mais n’a jamais été diplômé d’une (grande) école. Cependant, sa stature d’écrivain l’a conduit à des postes d’enseignant dans plusieurs collèges (Pomona, Pitzer…), en Californie, à l’est de Los Angeles, où il était connu en tant que poète charismatique et professeur d’anglais et de théâtre à la fin des années 60 et au début des années 70.
Après avoir rejoint Murray et Blythe à New York, Stanley Crouch réalisa très vite que son talent de percussionniste passable n’allait pas lui permettre de se faire une place dans cette jungle. Il se consacra donc entièrement à l’écriture.
Il écrit pour « The Village Voice », où il fut embauché comme rédacteur en chef en 1980 et licencié en 1988 après une bagarre avec un autre écrivain. «Les deux meilleures choses qui me soient jamais arrivées ont été d’être renvoyé par The Voice et d’être embauché par « The Voice », dans cet ordre», a-t-il déclaré plus tard.
En tant que chroniqueur syndiqué, Stanley Crouch a longtemps travaillé au Daily News de New York. Parmi ses anthologies on peut citer : «Notes d’un juge suspendu: essais et revues, 1979-1989» (1990); «Le jeu de peau, ou, le leurre de la race: le long et le court, 1990-1994» (1995); «Toujours à la recherche: nouvelles perspectives américaines, 1995-1997» (1998); et «Considérer le génie: Écrits sur le jazz» (2006). En outre, l’écrivain dérangé et dérangeant s’est tourné vers la fiction en 2000, avec «Don’t the Moon Look Lonesome: A Novel in Blues and Swing», et vers la biographie en 2003, avec «Kansas City Lightning: The Rise and Times of Charlie Parker».
M. Crouch a été consultant principal pour la série documentaire en 10 épisodes de Ken Burns «Jazz», diffusée en 2001. Il a reçu un Whiting Foundation Award pour la non-fiction en 1991 et une bourse de la MacArthur Foundation en 1993 pour ses travaux en musicologie et ethnomusicologie.
En 2019, il a été nommé « Jazz Master » par le « National Endowment for the Arts » pour l’ensemble de sont œuvre en faveur de la promotion du jazz.
Notis©2022
Par Sidney Usher