Le narcissisme est caractérisé par la dépendance affective exclusivement portée à soi-même et l’obsession de la reconnaissance par les autres. Lorsque cette reconnaissance est recherchée au nom d’un groupe, le narcissisme devient collectif et conduit immanquablement au rejet des autres.

Malheureusement, le narcissisme collectif, à l’origine de tant de désolations (isolement, torture, génocides…) de l’histoire, est de retour.

Manifestations

Le terme « narcissisme collectif » a été utilisé pour la première fois par le philosophe et musicologue Allemand, Theodore Adorno, pour décrire le sentiment qui a soutenu la domination nazie en Allemagne dans les années 1930.

En effet, le narcissisme collectif a été attisé par des slogans en vogue dans les années 1930. « Make America Great Again » ou « Take back control » sont bien entendu de la même veine. Ils suggèrent que la nation est en danger, parce qu’elle a été « affaiblie » et qu’il faut la restaurer par tous les moyens. Ces slogans sont destinés à mobiliser des gens qui veulent que leur groupe, collectivité ou tribut soit constamment reconnu par les autres. Ils sont hypersensibles à tous les signes contraires ou contrariants.

Des sondages réalisés au Royaume-Uni et aux États-Unis ont montré que l’électorat qui a porté les courants populistes sur la scène publique est composé principalement de gens qui manifestent des signes évidents du narcissisme collectif. Ils avancent des propos tels que « Cela m’énerve quand les autres (venus d’ailleurs) nous critiquent » ou encore « Mon groupe mérite un traitement spécial ».

Il y a lieu de s’inquiéter de la prise du pouvoir par les gens qui portent ces slogans narcissiques collectifs, en raison des préjugés qui les aveuglent, indépendamment de leur âge, personnalité ou éducation. Les narcissiques collectifs rejettent ou attaquent tous ceux qui menacent en quelque sorte l’image grandiose du groupe qu’ils idéalisent et auquel ils s’identifient. Ils se complaisent dans leurs propres attitudes fanatiques. Ils croient allègrement dans la théorie de la conspiration.

Une étude menée en Pologne a montré que les narcissiques collectifs catholiques croyaient qu’il y avait une conspiration en marche contre eux. Ils ont dit être d’accord avec des déclarations comme: «cela (idéologie) a été créé pour détruire la tradition chrétienne»; «ceci est une menace pour la morale chrétienne»; Et « Le but final est de détruire la famille ». En conséquence, les narcissiques collectifs rejettent celle et ceux qui portent des vues progressives sur la famille, la sexualité…

Ennemi invisible

Les narcissiques collectifs désirent se venger de quiconque ne reconnaît pas suffisamment leur la supériorité de leur groupe. Ils ne supportent pas la critique venant d’autres groupes et le manifestent souvent de façon violente.

Les narcissiques collectifs voient le mal partout. Par exemple, une transgression aussi insignifiante qu’une plaisanterie peut soulever un bouclier de protestation, de châtiment ou de réjouissance du malheur d’un «délinquant» dangereux pour le maintien de l’ordre préétabli.

Les narcissiques collectifs véhiculent du mépris et de la haine pour les autres collectivités. Les études sur les relations intergroupes témoignent de cet antagonisme latent et effectif.

Dans une émission portant sur les disparités au sein de l’Union Européenne, les narcissiques collectifs portugais ont montré sans ambages leur  hostilité envers les Allemands, parce, selon eux, l’Allemagne a un statut supérieur et a plus de pouvoir que le Portugal au sein de l’UE.

Une communauté peut donc être rejetée, marginalisée ou autrement «punie» parce qu’elle jouit d’une situation politique et  économique meilleure que les autres.

Ainsi les arguments comme «Les travailleurs étrangers contribuent à l’économie nationale» ou «Les réfugiés peuvent trouver du travail et prospérer dans les pays d’accueil» peuvent, non seulement ne pas convaincre les narcissiques collectifs nationaux, mais aussi les énerver et les rendre violent. Ils sont contre l’émergence d’un autre groupe ou l’autonomisation d’une minorité qui serait une menace pour l’établissement majoritaire. Ils veulent protéger la position privilégiée de leur groupe en sapant les qualités et les motivations des autres communautés.

Un narcissisme collectif sain, qui ne rejette pas les autres. Est-ce possible?

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