Toutes les décisions liées à la rémunération des dirigeants doivent faire l’objet d’un formalisme impeccable. A défaut, elles pourraient, par la suite, être contestées. Minimiser le rôle d’instances sociales, telles que le conseil d’administration,  peut conduire à des erreurs fatales.

Un DG d’une société anonyme l’a appris à ses dépens. La justice lui a refusé les  12 000 euros  de primes de résultat auxquels il pensait avoir droit. Nommé DG dix ans auparavant, il avait accepté la rémunération suivante : une partie fixe et une autre en fonction des résultats. A sa démission, il a réclamé le versement de cette partie variable. En vain, car sa rémunération n’avait pas été fixé en conseil d’administration. La société n’étant donc pas tenue de respecter cet engagement.

Plus généralement, une épée de Damoclès pend au-dessus de la tête des présidents et DG de SA pour lesquels les procédures légales de fixation des rémunérations des émoluments n’ont pas été respectées. Car un actionnaire, un administrateur judiciaire ou un repreneur peuvent aisément les remettre en cause. Mieux vaut donc prendre ses précautions.

Les conditions à respecter

La loi précise : c’est au conseil d’administration de fixer la rémunération du président et du DG d’une SA. Les comités de rémunération, en vogue depuis la mode du corporate governance, n’offre là aucune garantie. Leurs propositions doivent être expressément approuvées par le conseil d’administration.

Ainsi, le conseil d’administration d’une Banque avait préféré charger un comité ad hoc de fixer le complément de retraite auquel aurait droit son président. Le rapport du comité avait simplement été annexé au procès-verbal du conseil d’administration, sans faire l’objet d’une délibération formelle. Si bien que la décision aurait été annulée par la justice si la plainte déposée par un actionnaire minoritaire n’était pas arrivée trop tard !

Les modifications de la forme ou du montant de la rémunération doivent être validées par le conseil d’administration. Un président avait proposé d’échanger sa rémunération fixe annuelle contre une convention assise sur le chiffre d’affaires de la société. Cette convention n’ayant pu être mise en place, le conseil d’administration n’avait pas délibéré pour mettre fin à la rémunération fixe du président. Le juge a donc condamné la société à lui verser sa rémunération selon les modalités prévues.

La protection sociale du dirigeant

Ces vérifications sont d’autant plus utiles que la protection sociale du dirigeant reste très imparfaite. Pour l’assurance-maladie, les présidents et DG sont certes affiliés au régime général. Mais le mandat social ne leur assure à priori aucune garantie contre le chômage, puisqu’ils ne cotisent pas à cet effet. Il existe, certes, des assurances privées de fin de contrat. Et les cotisations, considérées comme un avantage en nature, peuvent être prises en charge par la société, sous réserve d’une délibération du conseil d’administration.

Le mandat social n’ouvre pas non plus droit à une indemnisation en cas de révocation. Il est donc délicat d’assurer ses arrières lorsqu’on est nommé mandataire social. Une indemnité peut être décidée au moment de la révocation. Mais toute convention préalable est illicite dès lors qu’elle émane d’une personne ayant une emprise suffisante sur la société pour orienter la décision de révocation. La perspective des conséquences financières importantes ne doit pas l’entraver.

Un contrat de travail séparé du mandat social

Il constitue une seconde source de rémunération pour les mandataires sociaux. C’est surtout une bonne solution pour parfaire la protection sociale. Mais attention aux pièges :

*Au sein des groupes de sociétés, il est fréquent que les DG de filiales soient par ailleurs salariés de la maison mère. Ils bénéficient alors de la double rémunération et d’une protection sociale accrue.

*S’il est possible à un président ou à un DG recruté à l’extérieur de signer un contrat de travail, celui-ci doit être antérieur (ne serait-ce que d’un jour) à sa nomination en tant qu’administrateur.

*Le cumul est envisageable dès qu’un PDG détient la majorité du capital, directement ou via une holding.

*il est essentiel de faire préciser, dans le comte rendu d’assemblée générale, qu’il n’est pas mis fin au contrat de travail lors d’une nomination de mandataire social et, dans le rapport du conseil d’administration, que la rémunération au titre de mandataire social s’ajoute au salaire correspondant au contrat de travail.

*Les modifications du contrat de travail des mandataires sociaux sont soumises à des règles de transparence, telles que l’augmentation individuelle du salaire d’un DG, portée à la connaissance des représentants du conseil de surveillance siégeant au conseil d’administration. Une situation qui n’est pas toujours facile à gérer socialement.

*Dernière solution : la suspension du contrat de travail pendant la durée du mandat social. Il faut éviter à tout prix de démissionner de ses fonctions de salarié dans une entreprise avant d’en être nommé mandataire social.  En cas de suspension, le DG (ou le président) retrouve à l’expiration de son mandat la jouissance du contrat de travail. S’il est révoqué, la société devra le réintégrer dans ses fonctions, avec le même salaire. Si elle veut s’en séparer, elle devra le licencier, en tenant compte de son ancienneté. L’ex-mandataire social bénéficiera d’indemnité de licenciement, et pourra percevoir, s’il a cotisé à cet effet, percevoir l’allocation de chômage.

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