Dès lors qu’une entreprise compte au moins un salarié, son patron, parce qu’il détient le pouvoir de décision, devient un « Manager » et doit se comporter comme tel. Pourtant, être chef d’entreprise de nos jours apparaît comme un véritable sacerdoce. Les contraintes liées à la gestion du personnel, la pression fiscale, la crise économique, notamment, créent un sentiment d’insécurité qui décourage l’esprit d’entreprendre.

Avant de se lancer, l’artisan, le petit commerçant ou le nouveau diplômé en management est-il dans les dispositions psychologiques et rempli-t-il les critères de compétence pour diriger ?

■ 1. La maîtrise des fonctions cognitives

En particulier l’objectivité (comprendre comment mes sentiments affectent ma capacité de comprendre le monde), le recul (qui permet, au-delà des idées reçues, la spéculation intellectuelle et la création), la logique (la compréhension des chaines causales, des rapports entre les moyens et les fins et des effets systémiques).

■ 2. La transformation des savoirs en décision

La concentration mentale (le choix des priorités, l’articulation des taches à accomplir), l’empathie (la capacité de comprendre la situation et les sentiments d’autrui), la capacité de s’engager, de prendre position, de s’exposer, ce qui passe par l’introspection et débouche sur une conception personnelle du rôle : que va-t-il m’apporter ? Que vais-je lui apporter ? Jusqu’où irai-je dans mon identification au poste, à l’organisation ? Comment vais-je m’y prendre ? Quels sont les dangers ? Quels vont être mes critères de réussite ? Quels sont mes atouts et mes points faibles ?

■ 3. La tolérance à l’ambiguïté et aux contradictions

La capacité de tolérer les dissonances cognitives, la capacité de prendre en compte la complexité du réel et de ne pas se jeter impulsivement dans l’action.

■ 4. Le travail sur le temps

La capacité, tout en s’affranchissant de son propre passé, d’en utiliser des éléments pour nourrir la réflexion et l’action : la possibilité de laisser filtrer le pré-conscient et de s’en servir pour faire face au réel  « ici et maintenant » : la capacité de se détendre et de jouer, de mettre le temps entre parenthèses.

■ 5. La canalisation des pulsions

La sublimation (l’utilisation de ses désirs pour construire une action socialement acceptable), le contrôle (la capacité de se maitriser et de ne pas agir impulsivement).

6. La capacité à se présenter à autrui

La conception de son rôle se construit dans l’esprit, mais elle s’incarne dans des actions publiques : intronisation, prise de fonction, contacts personnels avec d’autres acteurs, efforts de communication, prises de décisions symboliques…, en définitive, une mise en scène.

La prise en compte des données extérieurs permet une analyse systématique des discours et des comportements. Pour peu qu’il y ait demande de la part du dirigeant, donc que celui-ci accepte l’observation et la discussion avec les autres, alors il est possible de comprendre son action, en recherchant quelles compétences il utilise au mieux, quelles sont ses faiblesses, quels manques, quels blocages, quelles hésitations reviennent dans l’analyse?

La littérature classique sur le leadership n’est guère sensible à cette complexité. Elle présente souvent des figures mythiques « sans peur et sans reproche ». Dans la réalité, il n’existe rien de tel. Assumer les responsabilités est toujours un combat ambigu – extra et intra-psychique. Le rapport aux subordonnés peut être très ambigu et les structures de pouvoir ne peuvent que poser les problématiques profondes de la dépendance, de la rivalité, de la capacité à engendrer des successeurs.

Les capacités du chef, peuvent être affaiblies par le jeu des autres dimensions d’une personnalité. Chacun d’entre nous doit faire face à « l’autre conscience, à la quête d’idéaux inaccessibles. L’homme murit en travaillant sur tout cela et en développant sa capacité d’aimer et travailler » (Freud) : s’adapter, choisir, anticiper, comprendre la force du réel, penser librement, agir et jouir de son action et de son existence.

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