L’écart de revenu annuel entre conjoints se réduit régulièrement depuis une dizaine d’années. Cependant, Selon des chiffres diffusés par le PWN, 75 % des femmes appartenant pour la majorité au monde de l’entreprise demeurent insatisfaites de leur salaire – inférieur, à poste égal, à celui de leurs collègues masculins. 66 % « ne demandent pas habituellement » une augmentation de salaire, préférant « attendre que leurs managers reconnaissent les efforts fournis ». 69% des femmes, malgré leur réussite financière, continuent d’assurer la grande majorité des tâches ménagères. De fait, lorsque la femme affiche un salaire plus élevé que l’homme, l’argent devient souvent un problème et perturbe la relation du couple.

L’ambivalence

Une femme peut avoir fait une plus belle carrière que son homme. Subvenir aux besoins de la famille parce qu’il s’est retrouvé au chômage. Le soutenir parce qu’il est devenu entrepreneur et a réinvesti tous ses revenus dans son entreprise… Cette situation bouleverse les schémas traditionnels et place le couple dans une ambivalence.

D’un côté, la femme est fière de son succès professionnel, heureuse de son indépendance; mais de l’autre, devenir le premier salaire du couple est perçu comme une charge pour elle, une responsabilité lourde, parce qu’elle a été élevée dans l’idée qu’un jour un homme s’occuperait d’elle.

Même complexité du côté des hommes. En effet, tous disent être soulagés de ne pas porter seuls la famille. Et en même temps, ils se sentent dévalorisés, atteints dans leur virilité.

Les stéréotypes

Depuis plusieurs décennies l’argent s’est infiltré partout. Il n’est donc pas étonnant que la question de l’argent agite le couple contemporain. L’argent est roi dehors et à la maison. Comme le note l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière: « Tout au long de l’Histoire, l’homme a décidé des finances du couple. Encore aujourd’hui, gagner moins que son épouse est presque perçu comme une honte. Le jour où les hommes diront : “j’ai réussi ma vie parce que j’ai épousé une femme riche”, ce sera une autre histoire… »

Pour Brigitte Grésy, auteur de « la Vie en rose » (éd. Albin Michel), pense elle aussi que les préjugés qui rendent la vie dure. « Alors que dans la vie, les hommes et les femmes ont des rôles qui se rapprochent de plus en plus, les archaïsmes des représentations demeurent très forts, analyse-t-elle. Les femmes, dans leur schéma de réussite, se comparent encore à leur mère et à sa sphère privée, les hommes se comparent entre eux et au travail, d’où leur double plainte : au bureau, ils sont dépassés par d’autres hommes, et maintenant par des femmes. Et à la maison, ils n’ont plus le rôle de « paterfamilias » (père de famille) que les femmes, plus présentes qu’eux, ont totalement envahi. D’où un sentiment de panique, car le temps passé à la maison, même s’ils l’envient secrètement aux femmes, est encore perçu par eux comme une disqualification identitaire. »

Le nouveau contrat

Selon la sociologue Laurence Bachmann, les femmes des classes moyennes à capital culturel élevé seraient particulièrement soucieuses d’un « idéal démocratique » dans leur couple, et animées par l’idée de maintenir une égalité de statut entre elles et leurs conjoints. Ainsi naît, peut-être, une sorte de malaise, quand ce sont elles qui passent la barre du revenu supérieur. Elles prennent alors toutes les dépenses lourdes en charge, résultat : elles sont souvent à découvert.

Pour éviter cette claudication du couple contemporain, un nouveau contrat social entre hommes et femmes s’impose. Comme le dit une sociologue : « Un couple aujourd’hui, c’est le lien de deux puissances, avance-t-elle. Mais… qu’est-ce que la puissance? Est-elle encore limitée aux trois piliers de la virilité : puissance physique, sexuelle, mentale ? N’est-ce pas plutôt l’expression de soi, d’un projet, d’un désir ? Un foyer, c’est un partenariat entre deux individus où chacun donne sa place à l’autre. Le problème, c’est qu’avant la place de chacun était déterminée. Aujourd’hui elle est à créer, pour que chacun puisse vivre sa puissance propre. Cet équilibre du couple se négocie, il peut et doit se réinventer ».

Notis©2014

Sources : *Laurence Bachmann : De l’argent à soi. Les préoccupations sociales des femmes à travers leur rapport à l’argent, Presses universitaires de Rennes.

*Hilary Black: The Secret Currency of Love. The Unabashed Truth About Women, Money, and Relationships (William Morrow)

* Claude Carrière : « l’Argent : sa vie, sa mort » (éd. Odile Jacob)