A peine connu, sauf parmi le cercle réduit des aficionados, Johnny Smith a dès le début de sa carrière influencé le jeu d’autres musiciens influents. Plusieurs guitaristes célèbres, Bille Frisell, notamment, l’ont mentionné comme une influence majeure. Les principaux équipementiers de l’instrument, comme Guild, Gibson, Benedetto et Heritage ont mis sur le marché leurs modèles haut de gamme signés « Johnny Smith » en hommage à ce Maître de la guitare moderne.

Johnny Smith n’était pas destiné à la popularité. Il a joué la majeure partie de sa vie professionnelle dans les studios de Manhattan, enregistrant rarement ses propres sessions. Lors de ces rares sessions, en tant que leader, il avait tendance à jouer dans un style discret et intense qui exige une attention soutenue pour saisir les nuances de ses longues lignes mélodiques magnifiquement agencées.

Les enregistrements de Johnny Smith nécessitent cette qualité d’attention ainsi que des écoutes répétées pour appréhender pleinement la complexité et la profondeur de son talent.

John Henry Smith, Jr. est né à Birmingham, Alabama (USA), le 25 juin 1922, et mort le 11 juin 2013 (à 90 ans), n’avait que cinq ans lorsqu’il fut fasciné par la guitare. Son père jouait du banjo à cinq cordes, mais la guitare a été le premier et le plus durable amour de Johnny. Au départ, le jeune homme fut frustré par le manque de professeur de guitare et de manuels d’instructions. Mais, déterminé à maîtriser l’instrument, il apprit à jouer tout seul. De nombreux solistes exceptionnels du monde du jazz se sont rapidement rabattus sur sa méthode empirique pour faire émerger leurs sons distinctifs.

En 1935, la famille Smith déménagea à Portland. Johnny avait 13 ans et était déjà assez bon pour jouer dans des groupes locaux.

En 1942, il rejoignit l’armée de l’air (en tant qu’élève pilote) et se retrouva dans un groupe de musique qui avait besoin d’un cornettiste plutôt que d’un guitariste. En six mois, il avait suffisamment appris le cornet pour être nommé cornettiste principal.

Après « sa libération » de l’Air Force en 1946, il retourna à Portland pour jouer de la guitare et de la trompette à la radio locale ainsi que dans des clubs la nuit. Pour mieux gagner sa vie, il s’établit à New York pour travailler comme arrangeur à la NBC et en 1947 ; il devint membre de l’orchestre de la NBC. Pendant huit ans, il y presta aux postes de trompettiste, arrangeur et compositeur.

Gibson Vintage Johnny Smith 1962

Bien qu’il ait été fortement influencé par Django Reinhardt et Charlie Christian au départ (il a appris les solos de Django sur disque et a même rencontré le guitariste tzigane lors de son arrivée aux États-Unis en 1946), Johnny Smith ne se considérait pas comme un musicien de jazz à part entière. Néanmoins, il enregistra son premier disque en tant que leader en mars 1952, en compagnie de jazzmen bien implantés, Stan Getz, Eddie Safranski, Sanford Gold et Don Lamond. Un titre de cette date, « Moonlight in Vermont », malgré sa courte durée (3:16), a marqué un tournant dans la carrière de Smith. « Vermont » a été enregistré pour le label Royal Roost (souvent abrégé en Roost Records). La société  signa avec Smith un contrat à long terme au cours duquel il enregistra une vingtaine d’albums*. Roost a ensuite été absorbé par la firme Roulette qui a réédité plusieurs LP de Johnny. Dans la plupart de ses albums à lui le guitariste s’exprime soit en solo soit dans le forma du trio.

Johnny Smith, le Guitariste « intouchable » et « inclassable »

Le doigté précis, l’exécution efficace -sans fioriture- des accords, la perfection des arpèges… cette technique a contribué à faire de Johnny Smith un guitariste à part. Non seulement le public connaisseur, mais aussi des centaines de guitaristes amateurs (anonymes) ou professionnels ont été envoutés par cette technique à la fois banales et hors du commun.

Bien que maîtrisant un large éventail de styles, Johnny Smith a enregistré généralement ses disques dans la gamme du swing mineur propre au Bebop, dans un répertoire de standards très fouillé.

Toujours au centre de la musique, surtout dans les enregistrements réalisés sous son nom, Johnny Smith se montre constamment à la hauteur de sa charge. Sa technique et sa confiance sont telles qu’il semble que son exécution de la ligne la plus complexe et la plus rapide coule de source ; à l’écouter attentivement, il est parfois déconcertant de constater à quel point, à sa manière décontractée et discrète, le guitariste ne semble jamais forcer. Chaque note a une résonance particulière, quelque soit le tempo, rapide, moyen ou lent comme une  ballade. De plus, ses changements de tempo et de dynamique dans ses solos sont précis et émotionnellement aigus.

En bref, sa maîtrise des exigences de l’instrument va tout simplement au-delà de ce que la plupart des autres guitaristes pourraient ou peuvent faire. Sans hâte, confiant et d’un tempérament qui n’était pas enclin à attirer l’attention sur lui-même, Johnny Smith était et reste la « vraie affaire ».

Notis©2022

Par Sidney Usher

*Discographie sélective

Jazz at NBC Series (Johnny Smith Quintet featuring Stan Getz) (Royal Roost, 1952)

Jazz at NBC Series, Vol. 2 (Johnny Smith Quintet featuring Stan Getz) (Royal Roost, 1953)

In a Mellow Mood (Roost, 1954)

In a Sentimental Mood (Roost, 1954)

Johnny Smith Plays Jimmy Van Heusen (Roost, 1955)

The Johnny Smith Quartet (Roost, 1955)

The New Johnny Smith Quartet (Roost, 1956)

The Johnny Smith Foursome (Roost, 1957)

The Johnny Smith Foursome, Volume II (Roost, 1957)

Flower Drum Song (Roost, 1958)

Easy Listening (Roost, 1959)

Johnny Smith Favorites (Roost, 1959)

Designed for You (Roost, 1959)

My Dear Little Sweetheart (with the Irwin Kostal Orchestra) (Roost, 1960)

Guitar & Strings (with the Irwin Kostal Orchestra) (Roost, 1960)

Johnny Smith Plus The Trio (Roost, 1960)

The Sound of the Johnny Smith Guitar (Roost, 1961)

The Man with the Blue Guitar (Roost, 1962)

Reminiscing (Roost, 1965)

Johnny Smith (Verve, 1967)

Johnny Smith’s Kaleidoscope (Verve, 1968)

Phase II (Verve, 1968)