Maintien de la misère

Selon une enquête récente menée par Associated Press (AP), entre 2004 et 2016, l’Organisation des Nations Unies a reçu près de 2 000 allégations d’exploitation et d’abus sexuels contre ses forces de maintien de la paix.

Dans son livre de 2015, Peaceland, Severine Autesserre, professeur de science politique à l’Université de Columbia aux États-Unis, tente d’expliquer le comportement malsain des soldats de la paix. Elle évoque une «communauté  pour qui la paix est soit l’objectif principal (comme les casques bleus), soit une partie d’un ensemble plus large d’objectifs (Tels que les diplomates ou les travailleurs du développement) « qui existent souvent dans un monde parallèle aux personnes qu’ils sont censés servir. L’auteure écrit que la façon dont cette communauté vit, parle et collabore avec les habitants, renforce «une disparité de pouvoir omniprésente entre les intervenants et les bénéficiaires».


L’économie de maintien de la paix – dans laquelle des millions de dollars arrivent, circule entre des acteurs extérieurs et atteint rarement ou bénéficie à la communauté locale – renforce l’impunité et la supériorité de cette communauté venue d’ailleurs et de nulle part, affirme  Marsha Henry, professeur agrégé d’économie au Royaume-Uni. Selon lui, les soldats de la paix, en particulier, et le personnel de l’ONU, en général, vivent souvent comme des privilégiés, dans une économie qui répond plus à leurs besoins qu’aux objectifs de développement du pays dans lequel ils se trouvent.
« Vous avez de l’immunité et des privilèges, vous êtes en classe d’affaires et finalement vous avez des privilèges que vous n’avez jamais eu auparavant », confirme Paula Donovan, de Aids Free World, une ONG américaine.
Dans un article parue en 2016 dans la Revue de l’Organisation internationale sur le maintien de la paix, intitulé « le respect des normes internationales et le sexe transactionnel à Monrovia », les chercheurs ont constaté que plus de 75% des femmes interrogées dans la capitale libérienne, Monrovia, avaient eu des relations sexuelles tarifées avec le personnel de maintien de la paix de l’ONU ».

Outre la preuve de l’existence d’une économie alimentée par la présence des casques bleus, le rapport souligne aussi que : « Lorsque la MINUL (Mission de l’ONU au Libéria) s’est retiré du pays, elle a laissé derrière elle une économie déformée dans laquelle plus de la moitié des jeunes femmes de Monrovia auraient gagné leurs moyens de subsistance en vendant leur sexe ».
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