Condamné à une mort proche, du fait d’un cancer du foie très avancé, John Coltrane manifesta le souhait que son enterrement fût célébré de façon « libertaire ». Le service funéraire eu lieu le 21 Juillet 1967, à l’église luthérienne Saint-Pierre, sur le Lexington Avenue dans la cinquante-quatrième rue (NYC).

Selon la dernière volonté de Coltrane, c’est Ornette Coleman-soutenu par deux bassistes, Charlie Haden et David Izenzon, et le batteur Charles Moffett- qui clôtura la cérémonie en jouant de façon poignante une version de « Holiday for a Graveyard. » («Vacances pour un cimetière»).

Le samedi matin du 27 juin 2015, près d’un demi-siècle plus tard, à l’église Riverside, le fils de John Coltrane, Ravi, a fait une improvisation obsédante au saxophone soprano, accompagné par Geri Allen au piano, au-dessus du cercueil d’Ornette Coleman. Cette composition intitulée « Peace » (« Paix ») a été écrite par Ornette à l’occasion de son audacieux album paru en 1959, « The Shape of Jazz to come ».

Contrairement à Coltrane, qui est mort à l’âge de quarante ans, Ornette Coleman a vécu plus longtemps. Il est mort le 11 Juin 2015, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. Denardo Coleman, son fils ainé et son batteur de longue date, a fait en sorte que les adieux de son père soient riches non seulement en discours mais aussi en musique. Ainsi, pendant plus de trois heures, la plupart des lions grisonnants du jazz contemporain, Pharoah Sanders, Cecil Taylor, Henry Threadgill, Jack DeJohnette, Joe Lovano, et David Murray, entre autres, sont descendus dans le kiosque à musique improvisée de la cathédrale pour s’exprimer devant la dépouille de leur inspirateur et ami.

SonnyRollins at ornette fun

La cérémonie a commencé par une procession dirigée par Bachir Attar et les musiciens du Maroc, amis de longue date de Coleman. Michael Livingston, le maitre de cérémonie de l’église de Riverside, a noté «la présence d’un révolutionnaire. Coleman, cet esprit révolutionnaire dans la musique, avec sa personnalité, à la voix douce, gentille, douce, insaisissable, elliptique (…) ».

« Ornette n’a pas joué du free jazz, ce qu’il a réalisé, c’est la libération du jazz », a déclaré Howard Mandel, un critique et l’un des haut-parleurs de la communauté afro américaine des Etats unis. En effet, Ornette Coleman a libéré le Jazz de sa dépendance à l’égard des changements d’accords familiers et des structures harmoniques. Il a balayé les fondements dans lesquels, même les instrumentistes les plus brillants, comme Charlie Parker, n’arrivaient pas à se départir. Le son et l’approche de Coleman étaient si choquants quand il est apparu sur la scène dans les années cinquante que le grand Miles Davis n’a pas pu s’empêcher de dire : « cet homme est fou ! »

Sonny Rollins était présent à la cérémonie d’adieu mais n’a pas joué pour Ornette Coleman. Cependant dans toutes les têtes on se passait cette scène exceptionnelle où pour la première fois de l’histoire les deux Maîtres jouèrent ensemble au Beacon Theatre, à l’occasion du 80ème anniversaire de Sonny Rollins.

Cecil Taylor, quatre-vingt-six ans, bonne mine, a lu un poème, puis assis au piano il a fait une improvisation bouillonnante de plusieurs minutes. Pharoah Sanders, saxophoniste ténor, est monté faire une incantation solo qui a invoqué le ton de son vieux compère, John Coltrane. Jack DeJohnette à la batterie, a fait un 4 x 4 (duel à la mitraillette d’appel et de réponse) avec le maître de claquettes, Savion Glover.

L’interprétation de l’une des plus célèbres mélodies de Coleman, « Lonely Woman », par le quintette codirigé par deux ténors du saxophone, Joe Lovano et David Murray, a été un grand moment. « Lonely Woman » a été publié en 1959.

Yoco Ono était parmi les orateurs. Avec son chapeau et lunettes de soleil coutumiers, elle est venue au microphone et évoqué une relation qui a duré «cinquante ans à peine ». Ono a présenté quelque chose qui ressemblait à de la laine blanche sur le lutrin et a dit : «Je commençais à tricoter cette écharpe pour lui, mais je l’ai pas fini. Je voudrais laisser cette tâche à sa famille. »

Notis©2015

Sources : The new yorker

Photos : Taylor Hill