L’acompte et l’avance sur salaire peuvent ne pas être des solutions satisfaisantes, surtout en ces temps de crise et de fêtes de fin d’année. En particulier, parce que les sommes obtenues, sous ces rubriques, ne sont pas suffisantes. Mais, se tourner vers les banquiers est une voie suicidaire, surtout pour les particuliers. Il reste donc une dernière solution : solliciter un prêt de son employeur.

Il n’y a pas d’encadrement juridique spécifique des prêts entre employeurs et salariés, néanmoins il existe des règles générales à respecter et des précautions à prendre, du fait des implications sociales et fiscales.

Une opération exceptionnelle

Le prêt aux salariés n’est pas illégal ; un employeur peut parfaitement accorder un prêt à un salarié. Il s’agit certes d’une dérogation au monopole bancaire. Normalement, nulle entreprise autre qu’un établissement de crédit ne peut effectuer des opérations de financement. Sauf un employeur. Il est autorisé à consentir des prêts à son personnel, sous réserve qu’il s’agisse d’opérations exceptionnelles et motivées par des considérations d’ordre social (difficultés financières du salarié, situation familiale particulière…).

Le prêt ou crédit aux salariés s’apparente plus à une avance sur salaire sans en être une. En effet, c’est une somme d’argent versée sans la contrepartie d’un travail déjà réalisé dont le montant dépasse le salaire mensuel. Elle sera remboursée par des mensualités qui ne pourront pas dépasser un dixième du salaire net, comme dans le cadre d’une avance. A la différence d’une avance, l’employeur peut appliquer des intérêts sur la somme prêtée. La conclusion d’un contrat de prêt est nécessaire pour préciser le montant des intérêts, le montant des mensualités, le tableau d’amortissement et les conditions de remboursement par anticipation.

Ce prêt peut être accordé par l’employeur mais aussi par le Comité d’entreprise quand il en existe un (dans les entreprises employant plus de 50 salariés). Dans tous les cas, les critères de délivrance d’un prêt ne doivent pas être personnalisés ; ils doivent être uniformes. Par conséquent l’accord de financement ne peut pas se faire au cas par cas. L’ensemble des salariés doit pouvoir bénéficier de ce financement dès lors que les critères, notamment à caractère social, sont remplis. Ici, l’entreprise peut demander des justificatifs. D’autant plus si, dans le cadre des actions sociales et culturelles du Comité d’entreprise, il est prévu des prêts non remboursables ou sous forme de subvention.

Cas particulier du salarié-Gérant-associé de SARL

Des dispositions législatives et règlementaires sur les sociétés (codes des sociétés, code du commerce…) interdisent aux gérants ou aux associés personnes physiques des SARL de contracter des emprunts auprès de la société sous quelque forme que ce soit.

Qu’en est-il d’un salarié devenu gérant de la SARL qui l’a embauché ?

La Commission des études comptables de la Compagnie des commissaires aux comptes (CNCC) a apporté des précisions sur ce point.

Selon la CNCC, un prêt consenti à une personne devenue, par la suite, gérante d’une SARL ne constitue pas une convention interdite, sauf modifications apportées aux conditions et modalités du prêt. Reste qu’il s’agit là d’un simple avis, qui plus est, de comptable. Par conséquent, avant une clarification jurisprudentielle ou législative, il est prudent de procéder autrement que par l’octroi d’un prêt à ces cumulards. On procédera, par exemple, à une augmentation de la rémunération ou au remboursement de son compte courant, s’il est également un associé.

Le remboursement du prêt

En pratique, la charge de remboursement ne doit pas être trop élevée. Les échéances, en cas de prêt avec remboursement échelonné, ne doivent pas dépasser un dixième du salaire mensuel net. Compte tenu de ce contexte, la somme prêtée ne doit pas être trop importante. Elle ne doit pas dépasser, en pratique, deux mois et demi de salaire net (par exemple 24 échéances mensuelles x 1/10 du salaire net, avec possibilité de remboursement anticipé, notamment pour les commerciaux commissionnés).

La question du remboursement en cas de rupture du contrat de travail n’est pas clairement tranchée. En l’état actuel des textes applicables en la matière, il n’est donc pas interdit de prévoir le sort du prêt en cas de rupture du contrat avant le remboursement intégral ainsi que de dissocier clairement le prêt du contrat de travail, notamment pour éviter le risque de requalification des sommes prêtées en avance sur salaire. Par ailleurs, quand le salarié quitte l’entreprise avant le terme des remboursements, il faut rappeler que son salaire est protégé par le Code du travail. En conséquence, la compensation de la « dette » liée au prêt ne peut intervenir (sauf accord express écrit du salarié) que dans la limite du dixième des sommes ayant la nature d’un salaire, et pour la totalité sur les autres sommes ayant un caractère indemnitaire.

Les risques de redressement

La crise a conduit de nombreux dirigeants à donner des coups de main pécuniaires à leurs collaborateurs. C’est ainsi qu’un entrepreneur d’une PME a spontanément aidé plusieurs de ses salariés en difficulté financière. Il leur avait prêté ces sommes. Gratuitement. Ce fut son tort, car c’est là que le service de contrôle de la sécurité sociale a réagi. L’agent de la sécurité sociale a considéré que l’employeur aurait dû percevoir des intérêts sur les sommes prêtées. Il l’a donc redressé en réintégrant les montants non perçus dans l’assiette des cotisations.

Ce type de redressement n’est pas une nouveauté. En effet, depuis longtemps, l’administration sociale requalifie par exemple les prêts à taux zéro qu’accordent les banques à leurs employés. Pour justifier sa décision, l’inspecteur a rappelé les textes du Code de la Sécurité sociale : « Toute somme perçue par un salarié en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumise à charges sociales. »

Aux yeux du contrôleur, le prêt gratuit présentait tous les atours d’une « somme perçue à l’occasion du travail ». Son analyse se plaide.

En effet, le juge assimile le prêt sans intérêts d’un employeur à son salarié à une avance sur salaire. À contrario, c’est précisément parce qu’il s’agit d’une avance sur salaire que l’absence d’intérêts se justifie. Par conséquent, pour éviter un tel redressement -injuste qui choque l’équité- une attention particulière devra être portée à la rédaction de l’accord entre l’employeur et son salarié. Il faudra préciser qu’il s’agit d’un prêt et non d’une avance sur salaire.

Face  à cette ambiguïté de l’administration sociale, la position de l’administration fiscale tranche par sa clarté. Le fisc considère, en effet, avec constance, que le prêt sans intérêts ou à taux réduit doit s’analyser comme un complément de salaire. À ce titre, il est donc imposable.

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