Les vraies valeurs doivent se partager et se respecter ; elles ne découlent pas d’une charte interne, d’un effet de mode ou d’un axe de communication guidé par la valeur de l’argent, le « more value for money » -grand principe de marketing- qui corrode toutes les relations humaines.

Le savoir vivre dans le milieu du travail résulte de la somme de valeur morale et comportementale individuelle de chacun des collaborateurs. Encore faut-il respecter les femmes, hommes, leur conscience et leur libre arbitre sans tout sacrifier sur l’hôtel de la performance.

L’honnêteté

C’est le commandement de base dans la hiérarchie des valeurs. Ses contours sont devenus très élastiques malgré le grand retour de l’éthique. Si vous parlez de «vol», ceux que vous prenez à témoin haussent les épaules, signifiant par-là que vous exagérez et que vous faites preuve d’un moralisme excessif. L’incivilité n’est plus condamnable sévèrement. Le rusé et le débrouillard suscitent la sympathie et l’admiration tandis que le consciencieux fait figure d’imbécile.

L’honneur

On n’en entend plus beaucoup parler de l’honneur, en tout cas dans le monde de l’entreprise. La fluidité des masses salariées a banalisé le licenciement. Pour nos parents, «être renvoyé» constituait l’affront suprême, le désaveu absolu.

Aujourd’hui un employé a statistiquement toutes les chances d’être licencié une ou deux fois dans sa vie professionnelle; tant et si bien que la honte d’hier est presque normal, voire une gloire, de nos jours. Être «viré» se revendique haut et fort comme une manifestation de sa forte personnalité, de l’audace dont on a fait preuve en ayant occupé un poste à risques, d’une aptitude à être dans le mouvement, au sens dynamique du terme.

Le respect de la parole donnée

Voilà qui fait sourire, et là  aussi il y a de quoi être troublé. La complication croissante de la jurisprudence, la multitude des tractations financières des OPA ou de simples rachats, ou encore la complexité de contrats en tout genre imposent une double lecture permanente des engagements pris et une méfiance systématique.

Les protocoles d’accord, rédigés par des professionnels, ne contiennent plus la moindre faille, et tous les pièges possibles sont soigneusement étudiés et dissimulés pour éviter de revenir sur ce qui a été prévu.

Le respect des engagements n’a de sens que pour les perdants; dans la règle actuelle du jeu, les accords sont faits pour être rompus et l’on a une bonne réputation que lorsqu’on tient un partenaire à sa merci.

Plus que jamais, la fin justifie les moyens, et l’on ferme complaisamment les yeux sur les méthodes.

La dignité

Valeur satellite de l’honneur, la dignité garde un peu plus de sens mais sans faire l’unanimité. On l’attribue volontiers aux «coincés» qui s’y drapent faute d’être «cools». C’est aussi, pense-t-on, la valeur refuge des perdants.

Le désintéressement.

Si vous affirmez que vous en faites preuve, on en déduira que vous n’aimez pas les challenges, que vous ne «ferez pas d’argent» ou, plus élégamment, que vous serez un mauvais gestionnaire.

Mais «un homme qui ne demande jamais de service à quelqu’un finit par se faire la réputation d’un homme qui n’en rend pas».

Les services.

À force de faire payer les services, on ne sait plus rendre service. La notion de service n’est plus que marketing… Il s’agit d’une disparition plus grave qu’elle n’en a l’air.

Qui cède sa place? Qui laisse passer? Qui tient la porte? Qui se donne la peine de faire quelque chose, gratuitement, pour quelqu’un que l’on connaît à peine? Qui se donnerait la peine de rapporter au commissariat un objet trouvé?

Et de l’absence de gratuité du geste découle, pernicieusement, une forme de malhonnêteté.

La politesse.

Certes, ce n’est pas en soi une valeur, mais c’est en tout cas une qualité qui permet la vertu. L’affranchissement de règles, considérées comme appartenant à un temps ancien, a laissé un vide qui n’est pas simplement celui d’un code mondain réservé aux coincés.

L’école et encore moins la fac refusent d’éduquer pour se recentrer sur leur mission qui est d’instruire; les parents baissent souvent les bras et l’on entre alors dans la vie professionnelle pour «gagner sa vie», de plus en plus désarmé par cet univers impitoyable.

En même temps, on veut à tout prix être heureux dans l’entreprise. Pour cela, encore faudrait-il savoir y vivre…

Notis©2014