La diversité des textes, leur complexité et leur évolution permanente conduisent souvent les chefs d’entreprises (ou manager) à commettre des erreurs et des irrégularités, parfois en toute bonne foi. Ces irrégularités peuvent compromettre gravement le fonctionnement de l’entreprise, voire entrainer son arrêt définitif. Parce que s’apercevoir de l’importance des décisions prises au moment où les problèmes apparaissent c’est souvent agir trop tard, nous  vous proposons, ci-après, quelques-unes des erreurs à éviter en matière de droit du travail.

I. Période d’essai du contrat à durée déterminée (CDD) : l’employeur ne peut la fixer librement

La loi fixe un plafond spécifique concernant la durée de la période d’essai d’un CDD. L’enjeu est extrêmement important. En effet, si l’employeur met fin au CDD au titre de la période d’essai alors que celle-ci est en réalité achevée, il peut être condamné à verser au salarié l’équivalent des salaires qui lui auraient été dus jusqu’au terme du contrat. Lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à 6 mois, la période d’essai ne peut pas dépasser une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de 2 semaines. En revanche, lorsque la durée initialement prévue au contrat est supérieure à 6 mois, la durée de la période d’essai ne peut pas dépasser 1 mois.

Exemple : si la durée prévue au contrat est de 17 semaines, cela donne lieu théoriquement à 17 jours d’essai ; mais cette durée est plafonnée à 2 semaines, de date à date. Ainsi, si une période d’essai de

2 semaines débute un lundi, elle s’achèvera le second dimanche suivant.

Toutefois, si le CDD ne comporte pas de terme précis (par exemple, s’il a pour objet de remplacer un salarié malade jusqu’à la fin de son arrêt maladie), il doit être conclu pour une durée minimale, qui sert alors de référence pour calculer la durée maximale de la période d’essai.

Exemple : si la durée minimale prévue au contrat est de 2 semaines, la période d’essai ne peut être supérieure à 2 jours.

Attention : les conventions et accords collectifs ou les usages applicables à l’entreprise peuvent fixer un plafond inférieur.

II. Arrêt maladie : le salarié ne peut pas toujours reprendre son poste dès son retour

A l’issue de l’arrêt maladie, le salarié doit en effet bénéficier d’un examen obligatoire de reprise par le médecin du travail dans les cas suivants :

– après une absence d’au moins 21 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel ;

– après une absence d’au moins 8 jours pour cause d’accident du travail ;

– après une absence pour cause de maladie professionnelle (quelle qu’en soit la durée) ;

– après un congé de maternité ;

– après des absences répétées (notion non définie) pour raison de santé.

C’est à l’employeur qu’il incombe alors d’organiser la visite de reprise. Dans ces cas, la reprise du travail en l’absence de visite est susceptible d’engager la responsabilité de l’employeur si l’absence de visite concourt à la survenance d’un accident ou d’une maladie (exemple : accident dû à l’inaptitude du salarié à reprendre son poste).

A quel moment l’examen doit-il être pratiqué ? Selon la loi, il doit avoir lieu lors de la reprise du travail et, au plus tard, dans un délai de 8 jours. L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis du salarié, ne peut pas laisser ce dernier reprendre son travail sans l’avoir fait bénéficier préalablement de l’examen de reprise. C’est l’examen de reprise devant le médecin du travail qui met un terme à la suspension du contrat de travail, et non la fin de l’arrêt de travail prescrit par le médecin traitant. Cela signifie concrètement que le salarié dont l’arrêt a pris fin ne doit pas être admis au travail et ne peut pas prétendre être rémunéré, tant qu’il n’a pas été examiné par le médecin du travail. On peut néanmoins envisager qu’il soit fondé à exiger le versement de son salaire si l’employeur n’a pas fait le nécessaire pour que l’examen de reprise ait lieu dans les 8 jours suivant la fin de l’arrêt maladie.

III. Rupture conventionnelle : employeur et salarié doivent être d’accord pour mettre fin au contrat

La rupture conventionnelle n’est ni un licenciement ni une démission, et ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties. Il s’agit de la rupture d’un commun accord d’un contrat de travail à durée indéterminée. Cela n’empêche pas l’employeur de prendre l’initiative de proposer la rupture conventionnelle à un salarié. La rupture conventionnelle présente l’intérêt, contrairement au licenciement, de ne pas avoir à être motivée.

Mais, contrairement à la démission, elle contraint l’employeur à verser au salarié une indemnité spécifique qui ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement. L’homologation de la rupture par l’Administration n’interdit pas au salarié de la contester ensuite devant le tribunal du travail. Cela étant, cette procédure ne doit être engagée qu’avec précaution.

Premièrement, l’employeur doit envisager avec prudence la possibilité de recourir à la procédure de rupture conventionnelle pour des raisons de nature économique. Si cette possibilité n’est pas clairement exclue par la loi (sauf lorsque la rupture résulte d’un plan de sauvegarde de l’emploi [PSE] ou d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences [GPEC]), elle peut être contestée par l’Administration ou ensuite devant le juge, au motif qu’elle tendrait à contourner la législation relative au licenciement économique.

Deuxièmement, l’employeur doit impérativement vérifier que le salarié n’appartient pas à une catégorie de salariés protégés (représentant du personnel, candidat aux élections professionnelles, etc.), pour laquelle la rupture conventionnelle n’est valide qu’après autorisation de l’inspecteur du travail, suivant une procédure spécifique.

Troisièmement, l’employeur doit s’abstenir de recourir à la procédure de rupture conventionnelle auprès d’un salarié qui se trouve dans une situation de protection particulière au regard de la loi (grossesse, congé maternité et 4 semaines suivantes, arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle, inaptitude médicale, etc.). Dans un tel cas, comme en matière économique, le refus de l’Administration ou un contentieux judiciaire pourraient naître, au minimum, d’une suspicion de détournement des dispositions protectrices.

IV. Prime instaurée par un usage d’entreprise : l’employeur est en droit de la supprimer

L’usage est une pratique d’entreprise constante, générale et fixe. Il est courant de rencontrer des usages :

– prévoyant un calcul de prime d’ancienneté plus favorable pour les salariés ;

– octroyant une majoration de salaire, une prime ou une gratification ;

– prévoyant une possibilité de report des congés payés d’une année sur l’autre ;

– accordant aux représentants du personnel des heures de délégation au-delà du crédit d’heures prévu par la loi, etc.

Les avantages résultant d’un usage d’entreprise ont un caractère obligatoire pour l’employeur.

L’employeur peut mettre fin à un usage d’entreprise qui instaure notamment une prime, mais il doit respecter la procédure de dénonciation. Dans le cas contraire, l’usage continuera de s’appliquer.

Ainsi, pour qu’un usage soit valablement dénoncé, l’employeur est dans l’obligation :

– d’informer les représentants du personnel dans un délai suffisant pour permettre d’éventuelles négociations ;

– d’informer individuellement les salariés auxquels il profite.

Attention : l’employeur ne peut pas supprimer un usage pour un motif illicite (représailles suite à une grève, sanction à caractère disciplinaire, etc.). Dans ce cas, la procédure sera nulle.

Informer les représentants du personnel

L’information est donnée en réunion des représentants du personnel (comité d’entreprise ou, à défaut, délégués du personnel), après inscription de la dénonciation à l’ordre du jour. S’il n’existe pas d’institutions du personnel dans l’entreprise, il suffit à l’employeur d’informer ses salariés pour que la procédure soit régulière. En revanche, si l’absence de représentants du personnel est due à une négligence de la part de l’employeur, la procédure de dénonciation sera nulle. Si l’employeur n’a pas organisé les élections des délégués du personnel (DP) ou du comité d’entreprise (CE) alors que l’effectif de son entreprise l’y obligeait il devra organiser des élections avant de pouvoir dénoncer l’usage. Lors de la dénonciation, les représentants du personnel peuvent demander de négocier un accord pour compenser la suppression de l’usage : rien n’oblige l’employeur à accéder à leur demande. Il n’y a aucune obligation pour qu’un accord se substitue à un usage.

Attention : le fait que les représentants du personnel aient accepté cette dénonciation ne dispense pas l’employeur d’informer les salariés. A contrario, le fait que les représentants aient manifesté leur opposition n’empêchera pas l’employeur de supprimer l’usage.

Informer individuellement chaque salarié concerné par la dénonciation

L’employeur n’a pas à obtenir l’accord des salariés pour dénoncer un usage, sauf s’il s’agit d’une disposition figurant dans leur contrat de travail. En revanche, il a l’obligation de les informer, soit par courrier remis en mains propres contre décharge, soit par lettre recommandée avec accusé de réception.

Respecter un délai de prévenance

Aucun délai n’est fixé par le droit du travail entre le moment où l’employeur informe les représentants du personnel et les salariés et celui où il supprime l’usage. Selon les juges, ce délai de prévenance doit être suffisant pour permettre d’éventuelles négociations. Cette appréciation se fera au cas par cas.

Exemple :

Il a été jugé que :

le délai de prévenance est suffisant lorsque la dénonciation est communiquée au cours du mois de mai pour le versement d’une prime de 13e mois en décembre ;

le délai de prévenance est insuffisant lorsque la dénonciation a lieu le 1er avril pour un versement à la fin du mois.

Notez-le : le délai légal de dénonciation d’un accord collectif (3 mois) ne s’applique pas à un usage.

V. Ordre des départs en congés payés : il peut s’imposer aux salariés

La période de prise des congés payés est fixée par les conventions collectives ou accords collectifs.

Elle comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.

A défaut de convention collective ou d’accord collectif de travail, cette période est fixée par l’employeur en se référant aux usages et après consultation des délégués du personnel et du comité d’entreprise.

Ordre des départs à l’intérieur de la période de prise des congés

En l’absence de dispositions conventionnelles ou d’usage, l’employeur fixe l’ordre des départs après avis des délégués du personnel. Le Code du travail n’exige pas que le comité d’entreprise soit consulté sur l’ordre des départs (il doit seulement l’être sur la période de prise des congés).

Pour fixer l’ordre des départs, l’employeur doit tenir compte de trois critères :

– la situation de famille du salarié, et notamment des possibilités de congé de son conjoint, ainsi que de l’existence ou non d’enfants scolarisés à charge ;

– l’ancienneté ;

– la prise en considération d’une éventuelle activité chez d’autres employeurs. D’un point de vue pratique, cette exigence doit se traduire par une tentative de trouver un arrangement à l’amiable entre les différents employeurs du salarié concerné.

Notez-le : concernant le premier critère, si le couple est employé au sein de la même entreprise, ils ont droit à un congé simultané.

Avant de fixer les dates de congés payés, l’employeur peut demander à ses salariés quels sont leurs souhaits.

L’information du salarié

Une fois l’ordre des départs fixé, il est communiqué à l’intéressé 1 mois avant son départ en congés.

Les dates doivent être affichées dans les locaux de l’entreprise.

La modification des dates de départ

Une fois que l’ordre et les dates des départs ont été fixés, l’employeur et le salarié doivent les respecter. Les dates ne peuvent plus être modifiées ni par l’employeur, ni par le salarié (sauf commun accord) à partir du mois précédant la date prévue (si le départ est prévu le 1er juillet, les dates sont inchangeables à partir du 1er juin).

Il arrive cependant que l’employeur puisse modifier les dates de départ en congés moins d’un mois avant la date fixée. Les circonstances invoquées par l’employeur doivent être exceptionnelles : il s’agira de raisons professionnelles tenant à la bonne marche de l’entreprise (ex. : commandes imprévues de nature à sauver l’entreprise et à sauver des emplois) et le salarié doit être dédommagé des frais occasionnés par ce changement.

Exemple : Le décès d’un salarié constitue une circonstance exceptionnelle. Ainsi, le refus par son collègue de pourvoir à son poste et de retarder la date de ses congés payés constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement

VI. E-mails personnels des salariés : interdiction formelle de les consulter

L’employeur n’a pas le droit de prendre connaissance des messages personnels que ses salariés émettent ou reçoivent sur l’ordinateur mis à leur disposition. Et ce, même si l’employeur a interdit l’utilisation de l’ordinateur à des fins personnelles. Ces mails bénéficient de la protection du secret des correspondances.

L’employeur ne peut y avoir accès sans porter atteinte à la vie privée de ses salariés.

Courriels protégés par le secret des correspondances

Pour être protégés, les messages doivent être clairement identifiés comme étant « personnels » ou « confidentiels ». C’est au salarié qu’il appartient d’identifier les messages qui sont personnels.

La nature personnelle d’un message peut figurer soit dans l’objet du message, soit dans le nom du répertoire dans lequel il est stocké. À défaut d’une telle identification, les messages sont présumés être professionnels. Si le salarié n’a pas mentionné « personnel » sur l’objet du mail ou dans le nom donné au dossier les regroupant, alors l’employeur a la possibilité d’en prendre connaissance.

Notez-le : les mails portant les expressions « perso », « à moi » doivent également être considérés comme personnels.

Exceptions

L’employeur a la possibilité de consulter les e-mails personnels de ses salariés sous certaines conditions. Sauf risque ou événement particulier, le salarié doit être présent ou, en cas d’absence, avoir été informé de l’intervention de l’employeur. Si l’employeur a un motif légitime et que cela est nécessaire à la protection de ses droits, il peut également saisir le juge d’une demande permettant à un huissier d’accéder à toutes les données, même personnelles, contenues dans l’ordinateur de l’un de ses salariés. Cette démarche peut permettre de recueillir des preuves en vue d’une éventuelle action en justice.

Notez-le : les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’ordinateur mis à sa disposition pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel.

Informer les salariés pour éviter les litiges

Pour éviter les malentendus, l’employeur peut rédiger une charte informatique. Cette dernière définira les modalités d’usage et de contrôle des outils informatiques, informera les salariés sur la différence entre e-mail professionnel et e-mail personnel.

VII. Amende pour excès de vitesse : l’employeur ne peut en récupérer le montant en procédant à une retenue sur salaire

Un salarié a commis un excès de vitesse avec un véhicule de fonction. Les contraventions sont adressées au titulaire de la carte grise, c’est-à-dire à l’employeur, qui doit alors payer les amendes.

Exceptions

Il existe des cas où l’employeur peut être dispensé de ce paiement :

– vol du véhicule ou tout autre événement de force majeure ;

– si l’employeur donne tous les éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction. C’est-à-dire qu’il communique le nom du conducteur responsable de l’infraction aux autorités compétentes.

Retenue sur salaire

La retenue sur salaire est interdite sauf en cas de faute lourde. Pour rappel, la faute lourde, qui est la plus élevée dans la hiérarchie des fautes, correspond à un comportement d’une exceptionnelle gravité, témoignant de l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.

Un excès de vitesse n’est pas une faute lourde, l’employeur ne peut donc pas procéder à une retenue sur salaire pour se rembourser du montant de l’amende.

Retenue sur salaire prévue dans le contrat de travail

Il n’est pas possible d’insérer, dans le contrat de travail, une clause par laquelle un salarié autorise l’employeur à prélever le montant d’une amende directement sur son salaire. Une telle clause est illégale.

Les solutions pour ne pas supporter le coût de l’amende

L’employeur doit payer l’amende et demander ensuite au salarié de la lui rembourser. En cas de refus, l’employeur doit saisir les tribunaux pour obtenir ce remboursement.

L’autre solution consiste, lorsque l’employeur reçoit la contravention, à indiquer aux autorités compétentes le nom du conducteur en infraction.

VIII. Diminution de salaire : l’employeur doit obtenir l’accord préalable du salarié

Une diminution de salaire peut être justifiée lorsque l’entreprise est confrontée à des difficultés économiques :

– baisse du carnet de commandes ;

– marge brute d’exploitation nettement inférieure aux charges fixes ;

– surendettement bancaire constant ;

– baisse durable de l’activité, etc.

Mais attention, le salaire tel qu’il est prévu dans le contrat de travail est un élément essentiel du contrat de travail. L’employeur a besoin de l’accord du salarié pour le modifier.

Demander l’accord du salarié

La proposition doit être adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception

(LRAR). Il est important que l’employeur précise la modification envisagée et les raisons économiques de sa décision. Il doit également informer le salarié des conséquences de son refus ou de son acceptation.

Attention : il y a une limite à la baisse de salaire. L’employeur doit respecter les dispositions des accords « salaires » de sa convention collective et le SMIC. Il ne peut pas diminuer le salaire en dessous de ces seuils.

Délai de réflexion d’un mois

La modification envisagée ayant une origine économique, le salarié dispose d’un délai d’un mois, à compter de la réception de la lettre de l’employeur, pour faire connaître son refus éventuel.

Ce délai expire à minuit le jour du mois suivant portant le même quantième que le jour de réception de la proposition.

Exemple :

Le salarié reçoit la proposition de modification le 28 septembre, son délai de réflexion se termine le 28 octobre à minuit.

Attention : même si le salarié rend sa réponse avant l’expiration du délai de réflexion, l’employeur doit attendre la fin du délai pour agir. En effet :

– si le salarié accepte et que l’employeur lui fait signer un avenant avant la fin du délai, il pourra demander la nullité de cet avenant et le paiement des salaires antérieurs ;

– si le salarié refuse avant la fin du délai et que l’employeur procède à son licenciement, ce dernier sera sans cause réelle et sérieuse.

Réponse du salarié

Si le salarié accepte la diminution de salaire, l’employeur doit lui faire signer un avenant à son contrat de travail. Sachez qu’à défaut de réponse dans le délai d’un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification. Si le salarié refuse la modification, l’employeur devra renoncer à cette modification ou envisager un licenciement pour motif économique.

Notez-le : l’employeur doit consulter les représentants du personnel sur la proposition de modification de l’élément essentiel du contrat de travail, cette proposition ayant pour origine des difficultés économiques. Un refus de leur part n’empêche pas de continuer la procédure.

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