Cent ans après le début de la première guerre mondiale, « les lumières s’éteignent dans tout le Moyen-Orient »*. Dans cette partie du monde, les endroits stables et calmes ressemblent à des îlots dans une région en pleine tempête. De nombreuses zones du Moyen-Orient sont sans électricité. A Gaza, il y a environ deux heures de fourniture d’énergie par jour. Les coupures de courant sont si fréquentes au Yémen qu’elles entraînent de graves protestations populaires.

Au Moyen-Orient, les lumières de la démocratie libérale sont éclipsées par la dictature et l’extrémisme religieux. La  Syrie et l’Irak sont divisés et  rendus ingouvernables par des califats islamiques qui ne ressemblent en rien à de vrais califats. Ces islamistes obscurcis déploient leur barbarie sur une superficie en constante expansion. La Libye est terrorisée par des milices rivales. Les Palestiniens sont des captifs de la bande de Gaza. Piégée à l’intérieur de la plus grande prison du monde, la population civile palestinienne subit les agressions de Tsahal, une des armées les plus sophistiquées du monde.

Les Etats de la région qui jouissaient depuis peu d’un calme relatif sont devenus des camps de réfugiés. Le Liban et la Jordanie accueillent près de deux millions de réfugiés syriens ainsi que 2,5 millions de Palestiniens. La Tunisie est confrontée à un exode massif de libyens, tandis que le Kurdistan irakien est le foyer de plus de 300.000 Irakiens déplacés depuis le début du mois de juin, auxquels il faut ajouter 220 ​​000 réfugiés syriens. Dans ces zones d’accueille, le nombre de réfugiés ne cesse de croitre. A ce rythme, les réfugiés syriens, à eux seuls, devraient atteindre le chiffre de quatre millions d’ici la fin de l’année.

L’instabilité du Moyen-Orient pourrait s’étendre à la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Etats du Golfe. Compte tenu du risque sérieux d’embrasement de toute une région stratégique et vitale pour le commerce, l’énergie et la sécurité, une réaction énergique de la communauté internationale s’avère plus que nécessaire. Malheureusement, la politique occidentale fait preuve d’une indifférence ou d’une impuissance particulièrement saisissante. Déçus par une telle attitude, les jeunes arabes se tournent vers d’autres inspirations.

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Le président Obama, avant une réaction prudente dans les airs, a été fustigé pour son indécision. George W. Bush et Tony Blair ont eux aussi une responsabilité crutiale dans la dislocation de l’Irak. De fait, les autorités occidentales n’ont aucune stratégie. Pour elles,  le débat sur le Moyen-Orient se réduit à une question de « bombarder ou ne pas bombarder ».  Ce déficit de leadership est renforcé par une incapacité à évaluer la situation sur le terrain. Presque personne, y compris les filles et fils de la région, n’a prédit les soulèvements de 2010 et 2011. La vitesse avec laquelle les groupes islamiques se sont emparé des grandes villes irakiennes, notamment Mossoul, est révélateur à cet égard.

Les politiciens, les diplomates et les médias ne peuvent se concentrer sur plusieurs crises à la fois. Alors que les caméras et les ballets diplomatiques tournaient autour de la bande de Gaza, plus de 1.700 Syriens se faisaient massacrés dans la dernière semaine de juillet –le mois le plus meurtrier depuis le début du soulèvement- dans un silence assourdissant. Chacune de ces crises mérite une attention pleine et particulière.

Les réactions lentes et pesantes de la communauté internationale se conclu généralement par la nomination d’un représentant spécial impuissant à résoudre une crise qui a atteint son paroxysme. L’approche à courte vue qui consiste à choisir un homme («notre homme» ou «notre groupe») a montré ses limites.  Cette façon de faire rappelle les temps coloniaux. Les mentalités coloniales ont en effet la vie dure !

A l’inertie des puissances occidentales il faut ajouter les rivalités dangereuses, souvent mesquines et personnelles auxquelles se livrent les Etats de la région. La guerre froide au Moyen-Orient met l’Arabie saoudite dans une opposition systématique face à l’Iran dans pratiquement toutes les crises. Le Qatar et l’Arabie poursuivent également leur propre rivalité. L’Egypte, l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont engagés dans une guerre contre-productive contre de leurs propres Frères musulmans.

Notis©2014

*Edward Grey (25 avril 1862 – 7 septembre 1933) a occupé le poste de Foreign Secretary (ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni) de 1905 à 1916. À la veille de la Première Guerre mondiale, il confia à un ami : « Les Lumières s’éteignent dans toute l’Europe… Nous ne les reverrons pas s’allumer de notre vivant » (wikipedia)