Expliquer quelque chose à quelqu’un est un exercice bien plus ardu qu’il n’y paraît. D’abord, pouvoir mettre l’ignorant en situation, méthode de compréhension la plus directe, n’est pas toujours possible. Ensuite, le degré de compréhension dépend également du vocabulaire utilisé et de la capacité à fixer l’attention. Alors pour réussir ses explications en toutes circonstances, voici Les conseils d’un expert, Bruno Dufay, auteur de « Apprendre à expliquer ».

Les préliminaires

Il faut répondre à trois interrogations.

– Quel sujet vais-je aborder ? Il s’agit de délimiter clairement ce que l’on choisit de traiter et ce que l’on écarte. Le résultat est un compromis entre l’attente de l’ignorant et l’envie du connaisseur de lui offrir une vision complète.

– A quel public est-ce que je m’adresse ? « Sont à examiner la disponibilité d’esprit de l’ignorant, ses préjugés par rapport au connaisseur et au sujet, ses attentes et ses motivations, ses lacunes, ses références culturelles, sa peur d’apprendre et sa culpabilité à ne pas savoir », détaille Bruno Dufay.

– De quelle nature est la relation connaisseur-ignorant ? Est-elle légitime, crédible, de confiance ? Le connaisseur a-t-il un intérêt ou une réticence à expliquer ? L’ignorant a-t-il une émotion particulière vis-à-vis du sujet ? « Il s’agit ici d’examiner tout ce qui peut gripper ou améliorer cette relation », précise notre expert. C’est en fonction des réponses à ce questionnement que l’on pourra choisir la méthode d’explication la plus appropriée. Mais, le succès d’une explication ne dépend pas uniquement de la méthode suivie.

La relation connaisseur-ignorant

« Pour bien expliquer, il est important d’employer un vocabulaire accessible, sobre et non ambigu, affirme Bruno Dufay. Eviter autant que possible le jargon, les acronymes, les abréviations, les termes techniques compliqués… et évidemment, la langue de bois. » Plus largement, une relation connaisseur-ignorant ne doit pas entretenir un sentiment de domination : cette relation sera sans doute bientôt inversée. « Le connaisseur doit absolument descendre de son piédestal et sortir de son sabir, pour s’adresser à l’ignorant avec humilité, en acceptant les critiques. » Ceci pour une raison simple : explication et communication sont deux choses différentes. La communication, utilitariste, qui sert un but commercial ou politique par exemple, ne doit intervenir que dans un second temps.

Quant au choix de la méthode à employer, Bruno Dufay conseille de se baser sur l’histoire de l’ignorant, « par exemple au moyen de la méthode Hermann de la préférence cérébrale. Si l’on s’adresse aux agents de maintenance de l’entreprise, qui sont des techniciens de formation, on choisit les éléments les plus susceptibles d’avoir une résonance chez eux : le rationnel, les chiffres, les choses pratiques. Aux créatifs d’une agence de publicité, on présentera plutôt des schémas ou des histoires métaphoriques. »

Les petites astuces

Pour Bruno Dufay, « l’explication doit être faite de petites astuces. On peut ainsi commencer par quelque chose qui concerne l’autre, pour susciter son attention et le garder en haleine. » Mais on peut également saupoudrer l’ensemble de son discours de ce genre de « conservateurs d’attention ». « Cela dit, tempère-t-il, expliquer n’est pas enseigner : on ne peut pas prendre les gens par la main sur tout le chemin. » Cela n’empêchera pas de baliser l’explication de points de contrôle : « vais-je trop vite ? », « voulez-vous que j’accélère ? », « est-ce que je m’explique bien ? »…

Comment, enfin, savoir que l’explication a porté ses fruits ? Bien entendu, se contenter de demander si l’autre a bien compris n’est pas toujours très fiable. Pour Bruno Dufay, le meilleur indicateur réside dans les questions suscitées chez l’interlocuteur. « C’est en voyant que l’on a déclenché un processus chez l’autre que l’on peut savoir qu’il s’est approprié les choses. »

Notis©2013