L’édition 2014 du Forum économique mondial de Davos vient de fermer ses portes. Du 22 au 25 janvier 2014, à la tribune de la station balnéaire suisse, diverses personnalités de la finance et des affaires se sont rencontrées pour échanger leurs réflexions. Assurément cette édition-ci aura été marquée par la mise en sourdine du mot «crise». Parmi les discours prononcé, celui du Pape François  parait le plus saisissant. Voici le texte complet qui a été lu par le cardinal Turkson, en guise d’ouverture de cette réunion annuelle de Davos:

« Je vous suis très reconnaissant pour votre invitation à la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos. Espérant que la réunion sera l’occasion d’une réflexion encore plus profonde sur les causes de la crise économique qui touche le monde depuis ces cinq dernières années, je tiens à présenter quelques réflexions, dans l’espoir qu’elles enrichissent les débats du Forum et apportent une contribution utile à vos importants travaux.

Nous somme à une période de l’histoire marquée par des changements notables et des progrès significatifs dans différents domaines qui ont des conséquences importantes dans la vie de l’humanité. En fait , «Nous devons prier pour que les mesures prises aillent dans le sens d’une amélioration du bien-être de la population dans des domaines tels que la santé , l’éducation et de la communication» ( Evangelii Gaudium , 52). En plus de nombreux autres domaines de l’activité humaine, nous devons reconnaître le rôle fondamental que l’activité de l’entreprise moderne a eu dans la réalisation de ces changements, en stimulant et en développant les immenses ressources de l’intelligence humaine.

Néanmoins, les succès qui ont été obtenus, même si elles ont réduit la pauvreté pour un grand nombre de personnes, ont souvent conduit à une exclusion sociale généralisée. En effet, la majorité des hommes et des femmes de notre temps continue encore à vivre dans l’insécurité quotidienne, souvent avec des conséquences encore plus dramatiques.

Dans le cadre de votre réunion, je tiens à souligner l’importance que les différents leaders politiques et économiques jouent dans la promotion d’une approche inclusive qui prenne en considération la dignité de chaque personne humaine et le bien-être commun. Je me réfère à une préoccupation qui doit façonner toute décision politique et économique, mais qui semble parfois inhibée dans l’arrière-pensée. Ceux qui travaillent dans ces secteurs d’activité ont une responsabilité précise envers les autres, en particulier ceux qui sont les plus fragiles, faibles et vulnérables. Il est intolérable que des milliers de personnes continuent de mourir chaque jour de la faim, alors que d’importantes quantités de nourriture sont disponibles et souvent tout simplement gaspillée. De même, nous ne pouvons qu’être émus par les nombreux réfugiés qui demandent des conditions de vie un tant soit peu dignes, qui non seulement ne parviennent pas à trouver l’hospitalité, mais souvent, malheureusement, périssent au cours de leur périple. Je sais que ces mots sont énergiques, dramatique, voire exagérés, mais ils ont aussi pour but d’affirmer, remettre en question et revigorer  la synergie d’ensemble pour colmater les lacunes. En fait, ceux qui ont démontré leur aptitude à faire preuve d’innovation pour améliorer la vie de nombreuses personnes, grâce à leur ingéniosité et leur savoir-faire professionnel peuvent mettre leurs compétences au service des celles et ceux qui vivent encore dans une pauvreté extrême.Par conséquent, ce qui est nécessaire, c’est le sens renouvelé, profond et élargi de responsabilité de chacun et de tous.

« Les affaires sont- en fait – une vocation, et une noble vocation, à condition que les hommes d’affaires soient engagés avec un plus grand sens du partage «  ( Evangelii Gaudium, 203). Ces hommes et femmes sont en mesure de servir plus efficacement le bien commun et de rendre les biens de ce monde plus accessible à tous. Néanmoins, la croissance de l’égalité exige quelque chose de plus que la croissance économique. Elle exige d’abord «une vision transcendante de la personne» (Benoît XVI, Caritas in Veritate, 11), parce que «sans la perspective de la vie éternelle, le progrès humain dans ce monde sera privé de souffle  » (ibid.). Elle exige également des décisions, des mécanismes et des processus visant à une meilleure répartition des richesses, la création de sources d’emploi et une promotion intégrale des pauvres qui aille au-delà l’assistanat. Je suis convaincu que d’une telle ouverture à la transcendance, une nouvelle mentalité politique et de nouvelles affaires peuvent émergées, capable de guider toute activité économique et financière dans l’horizon d’une approche éthique qui soit vraiment humaine. La communauté internationale des affaires peut compter sur de nombreux hommes et femmes d’une grande honnêteté et intégrité personnelle, dont le travail est inspiré et guidé par des idéaux élevés de l’équité, la générosité et le souci du développement authentique de la famille humaine. Je vous invite à dessiner sur ces grandes ressources humaines et morales. Je vous invite à relever ce défi avec détermination et clairvoyance. Sans négliger, bien entendu, les exigences scientifiques et professionnelles de chaque contexte, je vous demande de veiller à ce que l’humanité soit servie par la richesse et non pas gouvernée par elle.

Mesdames, Messieurs, j’espère que vous pourriez voir dans ces quelques mots le signe de ma sollicitude pastorale et une contribution constructive pour aider vos activités à être plus nobles et plus fécondes. Je renouvelle mes meilleurs vœux de réussite. J’invoque la bénédiction divine sur tous les participants au forum, ainsi que sur vos familles et tous vos travaux. »

Le Vatican

Traduction : mary@notis-consulting.net

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