Les changements réalisés en si peu de temps ont créé une société dans laquelle un pan entier d’enfants et d’adultes est rongé par le mal-vivre. Faute d’autorégulation sociale et de valeurs, cette génération est à la dérive, isolée, solitaire, vivant sans aucun ancrage moral ni épine dorsale structurante. Face au foyer endémique du repli sur soi, il est urgent de  creuser plus profondément dans la réflexion, afin que les prochaines générations grandissent avec une bonne compréhension du bien et du mal. Le problème ne réside pas l’exercice de la liberté, la primauté du droit, le pluralisme démocratique…, mais dans la construction morale de l’individu.

Le changement

Si nous voulons que nos enfants grandissent dans le respect de la primauté du droit, (qui doit être juste et équitable pour tous), il faut leur apprendre à faire des choix moraux à travers un système de prise de décision basé sur des valeurs. Le changement dans la mentalité dominante passe par des programmes sortis des centres éducatifs, des assemblées et autres activités scolaires afin d’apprendre aux enfants à examiner les questions et les comportements par une aune morale plutôt que par le canal habituel du succès à tous prix. Car sans considérations éthiques appropriées, nous courons le risque de plongé notre société déjà fragmentée -où l’intérêt particulier éclipse le bien public- dans une instabilité viscérale.

L’impératif éthique concerne aussi la science et la technologie. Le rythme du changement et de l’innovation dans ce domaine est ahurissant. Les scientifiques travaillent dans les domaines de la nanotechnologie, la conception intelligente, l’ingénierie de cyborg ou le génie de la vie inorganique en dehors de toutes considérations éthiques et morales. Les dangers d’une technologie non réglementée sont potentiellement catastrophiques.

Pour éviter ou du moins limiter les effets catastrophiques de la science sans conscience, il faut que les adultes commencent à prendre les décisions politiques et éthiques appropriées sur l’utilisation des nouvelles technologies. Concomitamment, il faudrait former nos enfants à poser des questions saillantes et responsables dans un cadre moral et éthique. Nous devons leur apprendre à penser différemment.

Le chantier

Le chantier est immense, au vu du comportement de ceux qui nous dirigent : les riches, les chefs d’entreprise et les personnalités publiques ne nous montrent pas la bonne voie. Theodore Roosevelt, le 26ème Président des Etats-Unis, a dit: «Un homme qui n’est jamais allé à l’école peut voler un wagon de marchandises, mais un homme qui a fait des études universitaires peut voler toute la voie ferrée. » Malheureusement, cette perception caricaturale de l’élitisme s’applique à la majorité des opérateurs financiers et politiques de la planète. La plupart des crises bancaires et scandales financiers ont pour acteurs principaux des personnes bien éduquées, sortant des universités et grandes écoles.

Ces personnalités sont «bien éduquées», selon les canons décrétées par l’établissement, sur la base d’un simple test. De toute évidence, il y a quelque chose de fondamentale qui a manqué dans leur éducation, qui s’appelle l’humilité, l’empathie, l’honnêteté ou d’autres valeurs similaires.

L’école forme-t-elle mal ou les valeurs qui y sont enseignées sont-elles mal appliquées sur le terrain ?

Nous vivons une ère où le « chacun pour soi » gagne du terrain en surface et en profondeur. Nous n’arriverons pas  à changer cet état de fait sans une réglementation de la conscience publique ou un changement moral considérable.

La recherche du bonheur et du bien-être est louable en soi, mais il y a un défi encore plus grand qui concerne directement l’avenir de nos enfants. Certes, nous ne pouvons pas mettre tout ce monde dans un seul univers moral, mais nous pouvons leur enseigner la causalité et leur apprendre que le matériel ne résout pas tout. Avant de leur apprendre à développer le courage et la résilience, l’école doit être le socle des valeurs auxquelles l’on devrait s’inspirer tout au long de la vie.

Notis©2015

*Par Peter Tait

 Crédit Photo: Avril O’Reilly / Alamy