Ronald Reagan disait : « La récession, c’est quand votre voisin a perdu son emploi. La dépression, c’est quand vous avez perdu le vôtre». Le quarantième Président des États-Unis aurait pu ajouter : « la catastrophe, c’est quand vous et votre voisin faites partie de la moitié des personnes actives dans le monde qui ont perdu leur emploi! ». En dix ans, près de la moitié des postes de travail a été engloutie par « une force invisible qui porte plusieurs noms : informatisation, automatisation, intelligence artificielle, technologie, innovation, robotisation…».

La course contre la machine a bel bien commencé. Débordés, l’homme est hors course et les gouvernements sont paralysés. Il se peut que nous soyons en pleine catastrophe.

La séparation des pouvoirs

Quelles sortes d’emplois sont ou seront accaparés par les robots? Une autre façon de poser la même question est: quels sont les secteurs où les machines fonctionnent mieux que les êtres humains? Selon des économistes projectionnistes, près de la moitié des emplois disponibles dans les pays développés pourrait être automatisé dans « une ou deux décennies « . La question est donc : « Quelle moitié? ».

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Les tracteurs sont plus puissants que les agriculteurs. Les bras robotisés sont plus forts et plus endurants que les travailleurs des chaînes de montage. Au cours des 30 dernières années, les logiciels et les robots ont prospéré et acquis des compétences, surtout dans le secteur manufacturier. Cette vague de progrès informatique continuera sa marche sur le travail humain, notamment dans les secteurs de la fabrication, du soutien administratif, du détail et du transport.

Des emplois sont susceptibles, à 99%, d’être remplacés par des machines et des logiciels. Il s’agit pour la plupart des tâches routinières de base (télémarketing, couture) et les travaux qui peuvent être résolus par des algorithmes intelligents (déclarations d’impôt, saisie de données, billetterie et assurance). A contrario certains emplois sont moins susceptibles d’être automatisé.il s’agit des travailleurs du secteur de la santé, les agents de sécurité, notamment.

Pour simplifier : aux machines les métiers de routine et aux hommes les postes de direction et de décision. Mais, cette séparation stricte des pouvoir entre le robot et l’homme est aujourd’hui tout simplement inopérante et caduque.

La déferlante

Les gestionnaires et décideurs ont perdu leur immunité face à la déferlante de l’intelligence artificielle. Comme l’on écrit Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee dans leur livre «Race Against the Machine » (la course contre la machine), les robots ont traversé la ligne de démarcation ; ils réfléchissent comme les hommes. A preuve, Amazon a acheté (ou embauché) des robots pour travailler dans ses entrepôts. Les drones distribuent colis et courriers. Nous pouvons dire à notre téléphone intelligent : « je suis perdu, aides moi » et il nous dira comment rentrer à la maison. Les ordinateurs peuvent aujourd’hui conduire des voitures à travers une rue bondée, ce qui n’est pas stupidement une routine : une telle activité nécessite une combinaison habile de sensibilisation spatiale et d’anticipation constante – des compétences qui sont typiquement humaines. Les robots font des diagnostics et des interventions chirurgicales. Les écoles expérimentent déjà des logiciels qui remplaceront les heures d’enseignement d’un professeur humainement constitué.

La réforme

Si les robots continuent leur marche destructrice d’emplois, les effets sociaux seront énormes. Les salaires médians de la classe moyenne resteront bloqués et les écarts de revenus se creuseront. La colère consécutive à la montée des inégalités est appelée à croître. Tant et si mal que les politiciens constateront leur impuissance devant l’immensité des problèmes auxquels ils auront à faire face (ou fuir).

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Pour éviter le chaos qui pointe à l’horizon, il faut que les gouvernements réforment sans attendre leur système d’éducation. En effet, après avoir contribué à la révolution industrielle du 19ème siècle, l’école doit faire sa propre révolution. Le système éducatif doit être modifié, afin de favoriser la créativité dès les classes élémentaires. Il devrait y avoir moins apprentissage par cœur et la pensée critique devrait être l’épine dorsale de tout enseignement. La technologie elle-même aidera, que ce soit par le biais des cours en ligne ouverts à tous ou même les jeux vidéo, à stimuler les compétences innovantes créatrice d’emplois. Un accent particulier devrait donc être mis sur l’éducation préscolaire, puisque les capacités cognitives et les compétences sociales que les enfants apprennent dans leurs premières années définissent en grande partie leur futur.

L’innovation a apporté de grands bénéfices à l’humanité. Mais les avantages du progrès technologique ont été inégalement répartis. Au 19ème siècle, il a fallu la menace de la révolution pour que les gouvernements mettent en place des réformes progressistes. Aujourd’hui, ceux qui nous gouvernement sont devant le même défi. Il leur faut faire des changements nécessaires avant que le peuple ne se mette en colère.

Notis©2015

Sources: “Coming to an office near you” par Carl Benedikt Frey and Michael A. Osborne/ «Race Against the Machine » par Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee
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