Le malaise social se développe et le peuple rumine sa misère dans le silence: «injustice manifeste» dans la répartition des richesses, ennui du «sentiment d’inutilité», solitude d’une société obnubilée par le «vouloir plus», disparition de l’éthique…

Il faut envisager une «nouvelle société moins marchande, tournée vers d’autres valeurs que la compétition, de l’accumulation vaine de biens matériels. Sortir de « la crise » passe par un retour aux valeurs authentiques défendues par des visionnaires humanistes lucides, comme le Professeur Dennis L. Meadows.

Les limites matérielles

Le rapport Meadows (1972), produit sous la houlette de l’association internationale et non politique, le Club de Rome, par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), avait pour titre français « Halte à la croissance ? ». Il fut suivi en 1974 d’un deuxième rapport : « Sortir de l’ère du gaspillage : demain ». C’est la première étude importante soulignant les dangers écologiques de la croissance économique et démographique que connaissait alors le monde. Par sa principale proposition, « la croissance zéro », le rapport Meadows a suscité de nombreuses controverses.

La croissance économique est stimulée par la croissance démographique mais elle peut, par exemple, provoquer en même temps la pollution qui elle-même sera cause de recul démographique. Par le jeu de ces interactions, une consommation excessive des ressources naturelles peut entraîner une crise économique durable. Ainsi la croissance économique s’arrêtera faute de matières premières, et la population diminuera faute de nourriture.

« La planète n’est pas assez vaste et ses ressources ne sont pas suffisantes pour tolérer plus longtemps le comportement égocentrique et agressif de ses habitants. Plus nous nous approchons des limites matérielles de la terre, plus ce problème risque d’être insoluble. » Ce constat conduit Meadows à prévoir pour l’avenir plusieurs scénarios : pénurie de matières premières ou hausse insupportable de la pollution. L’un de ces deux scénarios provoquera la fin de la croissance au plus tard durant le XXIe siècle. Le progrès technique ne fera que différer l’effondrement inéluctable de l’écosystème mondial qui ne peut plus supporter cette croissance exponentielle.

Substituer la stabilité à la croissance

Selon cette thèse, « il faut substituer la stabilité à la croissance », c’est-à-dire qu’il faut mettre fin à la croissance si l’on veut sauver le système mondial d’un effondrement prochain et stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Plus on retardera la prise de cette décision, plus elle deviendra difficile à mettre en place.

Au plan démographique, il faut prendre des mesures draconiennes telles que la limitation de deux enfants par couple. Au niveau économique, il faut taxer l’industrie afin d’en stopper la croissance c’est-à-dire arriver à une « croissance zéro » et réorienter les ressources ainsi prélevées vers l’agriculture, les services et surtout la lutte contre la pollution.

Pour que cette économie sans croissance puisse être acceptée il faudrait répartir les richesses afin de garantir la satisfaction des besoins humains principaux. L’objectif est donc « un affranchissement de la faim et du dénuement qui reste, aujourd’hui encore, le privilège de si peu d’hommes sur la terre ».

Finalement, l’absence de croissance ne signifierait pas l’absence de progrès. La diffusion de l’éducation, de la culture… mais aussi le progrès social pourraient se faire sans entraves. Il est essentiel aussi de continuer à valoriser le progrès technique susceptible d’aider dans la lutte contre la pollution, d’apporter la santé aux habitants, d’accroître la longévité des produits industriels. Même la hausse de la productivité resterait souhaitable, à condition qu’elle serve, non à accroître la production, mais à réduire le temps de travail.

Les conclusions du rapport annoncent un futur plutôt catastrophique pour l’humanité si cette dernière continue à ne pas se préoccuper des conséquences de ses activités sur l’environnement. Beaucoup ont reproché au rapport, à sa publication, d’avoir exagéré dans ses prévisions. Malheureusement, force est de reconnaître que le Professeur Dennis L. Meadows avait raison: l’effondrement, dans le scénario le plus défavorable, est bien réel.

Notis©2012

Sources: Limits to Growth: The 30-Year Update, par D. Meadows & J. Randers/ Mes points sur les i …par Michel Rocard