L’antisémitisme d’aujourd’hui dit, en réalité, trois choses.

Il ne peut opérer sur grande échelle que s’il parvient à proférer et articuler trois énoncés honteux, mais inédits, et que le XXe siècle n’a pas disqualifiés.

  1. Les juifs seraient haïssables parce qu’ils soutiendraient un mauvais Etat, illégitime et assassin — c’est le délire antisioniste des adversaires sans merci du rétablissement des juifs dans leur foyer historique.
  2. Les juifs seraient d’autant plus haïssables qu’ils fonderaient leur Israël aimé sur une souffrance imaginaire ou, tout au moins, exagérée — c’est l’ignoble, l’atroce déni de la Shoah.
  3. Ils commettraient enfin, ce faisant, un troisième et dernier crime qui les rendrait plus détestables encore et qui consisterait, en nous entretenant inlassablement de la mémoire de leurs morts, à étouffer les autres mémoires, à faire taire les autres morts, à éclipser les autres martyres qui endeuillent le monde d’aujourd’hui et dont le plus emblématique serait celui des Palestiniens — et l’on est, là, au plus près de cette imbécillité, de cette lèpre, qui s’appelle la compétition des victimes.

L’antisémitisme nouveau a besoin de ces trois énoncés.

C’est comme une bombe atomique morale qui aurait là ses trois composants.

Chacun, pris séparément, suffirait à discréditer un peuple redevenu objet d’opprobre ; mais qu’ils viennent à s’additionner, que les composants se composent, que les trois fils entrent en contact et parviennent à former un nœud ou une tresse — et l’on est à peu près sûr d’assister à une déflagration dont tous les juifs, partout, seront les cibles désignées.