Non. Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils ont, eux, tué le Christ » — et c’était l’antisémitisme chrétien. Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils l’ont, au contraire, en produisant le monothéisme, inventé » — et c’était l’antisémitisme de l’âge des Lumières qui voulait en finir avec toutes les religions. Ils ont dit : « nous les haïssons parce qu’ils sont d’une autre espèce, reconnaissables à des traits de nature qui n’appartiennent qu’à eux et qui corrompent, polluent, les autres natures »— et c’était l’antisémitisme raciste, contemporain de la naissance des sciences modernes de la vie. Ils ont encore dit : « nous n’avons rien contre les juifs en soi ; non, non, vraiment rien ; et nous nous moquons d’ailleurs de savoir s’ils ont tué ou vu naître le Christ, s’ils forment ou non une race à part, etc ; notre problème, notre seul problème, c’est qu’ils sont d’horribles ploutocrates, acharnés à dominer le monde et à opprimer les humbles et les petits » — et c’était, dans toute l’Europe, ce socialisme des imbéciles qui infecta le mouvement ouvrier au début du XXe siècle et au delà.

Aujourd’hui, aucune de ces rhétoriques ne fonctionne plus.

Pour des raisons qui tiennent à l’histoire du dernier siècle, il n’y a plus que des minorités de femmes et d’hommes pour ne pas voir qu’elles ont toutes débouché sur des massacres abominables.

Et, pour que le vieux virus reparte à l’assaut des têtes, pour qu’il lui soit de nouveau possible d’enflammer de vastes foules, pour que des hommes et des femmes puissent, en grand nombre, et ce qu’à Dieu ne plaise, recommencer de haïr en toute bonne conscience ou croire, si l’on préfère, qu’il existe de justes raisons de s’en prendre aux juifs, il faut un argumentaire nouveau que l’Histoire universelle n’ait pas eu le temps de déconsidérer.