La créativité pure

Déjà à cette époque, toute l’artillerie musicale de Blythe était bien établie : son étincelant, lamentations mélodiques, lignes expressives presque surdimensionnées, maîtrise pointue de l’instrument, éclatement des bords de la tonalité, frottis et cris du vibrato, self-control permanent.

Son premier album en tant que leader, The Grip, en date de 1977, l’associe à Stewart, le violoncelliste Abdul Wadud, le batteur Steve Reid et le trompettiste Ahmed Abdullah. Le niveau d’énergie et la pure créativité de ce disque ont fait l’objet d’une attention particulière dans un monde inondé de fusion, de disco et de traditionalisme rétro.

La même année, Blythe rejoint le groupe Synthesis avec David Murray et le trompettiste Olu Dara. Le saxophoniste Russ Gershon raconte: «Je me souviens d’une soirée de solos et de duos qu’il a fait avec Olu Dara au Brook Loft de NYC vers 1978 … J’étais au Brook, ayant payé mes huit dollars, assis à plat sur le sol parmi une dizaine d’autres membres du public, écoutant Arthur faire son solo. Soudain, dans la chaleur de l’été, le courant électrique est tombé en panne dans tout Manhattan. Les fenêtres ont été ouvertes dans ce lieu non climatisé. La musique oppressive mêlée aux bruits de voiture en provenance des fenêtres s’évapora dans le silence. Les rues et le loft lui-même étaient sombres, le clair de lune brumeux jetant quelque lueur dans la salle. Soudain, l’intimité de l’espace de la performance s’est approfondie. Je me souviens d’Arthur, alors âgé de 39 ans, qui jouait dans l’obscurité, sans se laisser décourager par le manque d’électricité, l’absence d’une section rythmique et la probabilité d’un salaire peu élevé, balançant férocement, sa voix humaine à travers le son du saxophone et des fenêtres. Une sonorité lumineuse dans la nuit citadine. »